Le retour des nomades, Gitans, Roms, Tziganes,
Sintis, Bohémiens, Jénishs. Le flou dans la désignation répond à
l’incertitude du sédentaire face aux voyageurs, toujours ailleurs,
insaisissables. Le vieux mot de Romanichels qui rappelle l’enfance et
les discussions des grands-parents est semble-t-il le plus exact,
proche de la manière dont ces gens du voyage se désignent eux-mêmes :
Romani cel, le peuple des humains, alors que Tzigane vient du grec et
signifie semble-t-il, «ceux que l’on ne touche pas» et Gitan est une
déformation du mot «égyptien», dont l’occident a cru longtemps que
c’était leur patrie d’origine.
Pour les Européens, ce peuple composé
autrefois de rempailleurs, de rémouleurs, de musiciens et de voleurs de
poules, représente l’autre absolu, la barbarie qui rôde hors des murs
de la ville, le désordre et la saleté. Étrangement l’imagerie
occidentale valorise le nomade. Les romans de notre enfance et le
cinéma d’aventure mettent en valeur le Touareg noble et majestueux, le
Peul magnifique qui marche devant son troupeau, le Mongol qui vit sur
son cheval, fantasmes puissamment sexualisés d’une vigueur lointaine,
perdue. Les nomades sont respectés ? à condition qu’ils soient très
loin ; mais pour ceux qui sont proches, il en va tout autrement.
Le
racisme à l’égard des Roms est très virulent dans toute l’Europe de
l’Est et il le serait sans aucun doute aussi chez nous ; il suffit de
saisir les conversations de bistrot depuis le passage de nos frontières
par plusieurs centaines d’entre eux. C’est avec un grand soulagement
que la presse nous les présente comme des sédentaires, sans trop
s’appesantir sur cette immobilisation forcée par les régimes
communistes, celui roumain notamment. En République tchèque aussi, les
Roms sédentarisés ont remplacé les Sudètes au fond des forêts de Bohème
et sont manœuvres dans les usines.
Voilà une conséquence inattendue
de l’élargissement de l’Europe : comment intégrer cette population si
différente, dévorée par les mafias qu’elle a engendrées, tout juste
acceptée à travers son folklore et sa musique. Dans certains pays comme
la Hongrie, une classe moyenne Rom mieux scolarisée émerge peu à peu.
La solution viendra sans doute de là, de l’éducation, de la
participation à des circuits économiques légaux. Mais pour l’instant,
les «barbares» sont encore contenus hors du limes ? jg
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