La commercialisation du lait en poudre ou l’histoire à succès d’un entrepreneur valaisan dans le canton de Fribourg. Un livre en retrace le parcours: trajectoire exemplaire
du développement économique en Suisse au XXe siècle.
L’histoire économique est un territoire encore partiellement inexploré en Suisse, surtout pour les entreprises régionales qui ont parfois joué un rôle décisif dans le développement de leur coin de pays.
Le lait Guigoz est une marque mythique qui s’est répandue sur tous les continents dans la première moitié du XXe siècle. Un livre publié par l’Université de Fribourg en retrace l’histoire. Les conditions d’apparition de l’entreprise sont passionnantes à observer et mettent à mal un certain nombre d’idées reçues. Nous avons du canton de Fribourg, autour de 1900, l’image d’une terre à l’écart, loin de la révolution industrielle.
En fait, une révolution agricole, silencieuse, s’y déroule. Entre 1870 et 1906 le nombre de bovins est multiplié par deux. La production de lait passe de 330 à plus de 1100 tonnes en trente ans. La productivité est en forte augmentation. La production laitière augmente de 50%, pendant que le troupeau croît de 12,5% seulement. L’utilisation des excédents de lait commence à se poser. La première entreprise de lait condensé ouvre ses portes en 1872 suivie par les chocolateries. Le canton de Fribourg est le premier producteur suisse de chocolat en 1900. Cette industrie occupe 38% de la main d’œuvre industrielle du canton.
Maurice Guigoz est totalement étranger au milieu de l’agro-alimentaire. Après un apprentissage d’horloger, ce Valaisan né en 1868 ouvre un magasin à Monthey avant de créer une fabrique de pendules. Il achète l’hôtel du Grand Combin et s’occupe ensuite à Montreux d’un magasin de bicyclettes et de machines à coudre. Toujours à l’affût, il reprend en 1909 une petite fabrique de lait en poudre à Châtel-St-Denis qui exploite un brevet déposé à Bern en 1899 par un chimiste belge. En fait, ce lait en poudre se conserve mal. Maurice Guigoz, avec l’aide de son fils et de deux ouvriers améliore le procédé, essentiellement en ralentissant la déshydratation sous vide et obtient un produit stable.
Le reste de l’histoire est connu. L’expansion est vite mondiale et comme il n’y a pas de place pour deux crocodiles dans la Veveyse, Nestlé finira par racheter Guigoz. Les surplus agricoles fribourgeois, et l’environnement suisse très orienté vers la technique, ont permis cette histoire à succès qui est une belle illustration du vrai rôle de l’entrepreneur qui prend des risques industriels et ne se contente pas de la spéculation à court terme. jg
Maryline Maillard, Guigoz, les débuts d’une entreprise innovatrice dans l’industrie laitière, Université de Fribourg, 2002.
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