A quoi servent les stéréotypes et autres lieux communs ? Peut-être à se rassurer, à maintenir une permanence du monde. La coupe du monde de football représente une source inépuisable de renouvellement des idées fixes et des fausses évidences. Celle qui vient de s’achever en Extrême-Orient n’a pas fait exception.
Nous autres Suisses, victimes de nombreux préjugés à l’étranger ne pouvons que compatir avec les Brésiliens. Pour tous ceux qui ont regardé la télévision cette dernière semaine, il est clair que les 160 millions d’habitants de cet immense pays vivent tous sur la plage en dansant le samba (un mot masculin en portugais).
Dimanche soir à la TV après la victoire des auriverde, un commentateur nous parle de scènes de folie à Rio (les images montrent une population dense, mais tranquille) et de brésiliens qui dansent sur la plage (vue d’une foule qui saute de joie lorsque son équipe marque, mais qui n’a pas l’air de danser ?). Ensuite on apprend que les écoles de samba ne vont pas tarder à arriver (au Brésil comme à Bâle, les cliques carnavalesques ont des activités très codifiées et ritualisées, imperméables aux victoires des équipes de football).
Un des joueurs les plus fins et inventifs de ce mondial, l’Allemand Schneider, n’a eu droit à aucun qualificatif particulier. Il n’a pas de «coup de patte», pas «d’éclair de génie», ce qui est normal, vu qu’il est allemand et les Germains sont ri-gou-reux et dis-ci-pli-nés, ils ne sont pas créatifs, c’est clair.
Les Brésiliens de l’étranger, comme tous les expatriés, ont plutôt tendance à en rajouter dans les stéréotypes. Les jeunes filles de bonne famille qui vivent chez nous mettent des bikinis jaunes et verts, s’enveloppent du drapeau national et se trémoussent comme si elles étaient des mulatas des favelas de Rio.
Nous nous sommes délectés de la stupéfaction des commentateurs à la fin du match. Les Brésiliens ont-ils dansé? fait un tour d’honneur ? sauté de joie ? pleuré ? Pas vraiment. Ils se sont mis en rond à genoux en se tenant la main et ils ont prié. Le Brésil selon Thierry Roland et Jean-Michel Larqué était au bord de l’effondrement. Bref, que les footballeurs détruisent par leur comportement, et sans le faire exprès, les lieux communs sur leur pays ne peut que nous réjouir.
Pour en finir avec ce mondial et parce que nous sommes sensibles à l’art brut, à l’écriture automatique et aux courants post-dada, il vaut la peine de citer cette phrase du duo de commentateurs de TF1 passée curieusement inaperçue : «En Allemagne, les Turcs sont la principale minorité après les Allemands». jg
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