Il est des sujets plus importants que la relégation en ligue B du Lausanne Sports et du FC Sion. Il en est peu qui soit aussi symbolique de la transparence nécessaire à l’univers fermé des affaires helvétiques. Il y a, disons, vingt ans, le supporter moyen ignorait la plupart du temps le nom du président de son club favori et n’avait pas la moindre idée du budget et des manipulations financières nécessaires à la bonne marche de l’équipe. Bien sûr les noms de Gilbert Facchinetti et d’André Luisier étaient connus. Bien assis sur un quasi-monopole cantonal des travaux publics pour le Neuchâtelois et un quotidien sans rival entre Fully et Sierre pour le Valaisan, ils dirigeaient d’une main de fer Xamax et le FC Sion. Mais ils n’apparaissaient pour ainsi dire jamais à la une des rubriques sportives, si ce n’est pour donner un bref entretien les soirs de victoire en coupe ou en championnat.
Aujourd’hui, la situation a totalement changé. Les journalistes sportifs avaient déjà été obligés d’ingurgiter des connaissances médicales pour écrire sur le dopage ; les voilà contraints d’acquérir un vernis d’expert-comptable. Les pages des rubriques sportives sont désormais aussi bien consacrées aux mésaventures financières de ces messieurs et à leurs propos venimeux les uns sur les autres qu’aux exploits, ou à ce qui en tient lieu, de leurs équipes.
Est-ce la raison des réticences des patrons de nos entreprises à investir dans le football ? Autrefois, cette activité dispendieuse permettait aux garagistes et aux promoteurs immobiliers de montrer leur réussite et d’en tirer une gloire discrète dans le Rotary ou le Lion’s club locaux. Aujourd’hui, prendre le contrôle d’un club de football revient à entrer dans l’arène médiatique et à se voir impitoyablement décortiqué, critiqué et voué aux gémonies, parfois d’une manière fort injuste d’ailleurs par la grande presse, mais c’est le jeu. Il y a de quoi hésiter et rester prudemment dans l’ombre.
Cette situation n’est pas si différente de celle de nos banquiers privés face au secret bancaire et de nos conseils d’administration face aux rémunérations des dirigeants. Le besoin de transparence est désormais impératif. Il ne va pas parfois sans quelques excès, mais il faut s’en accommoder et même si pendant longtemps l’élite helvétique n’a rien voulu savoir. Les mésaventures de quelques grands clubs romands sont un dégât collatéral de cette nouvelle aspiration. Il n’est pas garanti qu’ils s’en remettent aisément. jg
Pour ne manquer aucun article
Recevez la newsletter gratuite de Domaine Public.
Et si l’envie vous prend de passer de l’autre côté de l’écran, DP est ouvert aux nouvelles collaborations: prenez contact!