Retour de la nation ? On ne parle plus que de ça dans les médias. Les élections en France, la montée, réelle ou fantasmée, de la droite extrême en Europe, notre UDC, Blocher, Le Pen, l’assassinat du beau Pim Fortuyn, de quoi remplir de longues colonnes dans les pages d’analyses de la presse dite sérieuse. Pour la Suisse romande, cette vague de droite est très positive et permet de se retrouver les pieds sur terre.
Revenons quelques années en arrière. Le 6 décembre 1992, le ciel est tombé sur la tête des habitants de ce coin de pays. Le refus de l’EEE, un Röstigraben exagéré, mais un choc réel. Et puis un immense sentiment d’impuissance. Comment se faire entendre de nos compatriotes d’Outre-Sarine ? Ils vivent dans un autre univers médiatique et culturel avec cette UDC blochérienne qui n’existe pas chez nous. Cet observateur, souvent énervé et énervant des Romands, qu’est Jacques Pilet a utilisé récemment une formule très juste en écrivant que nous étions partis dans un exil intérieur. Désintérêt pour les affaires helvétiques, ouverture au monde, le lecteur du Nouveau Quotidien n’était plus de nulle part; notre élite, cosmopolite depuis toujours, se rêvait européenne, s’étonnait de cette croix blanche qui figurait encore sur son passeport et regardait avec condescendance les résultats des votations où elle était majorisée par les affreux de Suisse centrale, ce qui, au fond, l’arrangeait bien.
Et puis patatras, retour à la réalité avec l’affaire des fonds en déshérence. Il ne sert à rien d’expliquer aux amis de New-York que l’on est ouvert sur le monde et plus européen que suisse. Cette tâche historique, c’est bien nous et il faut l’assumer. Second accroc à notre confort moral, voilà que l’UDC blochérienne, avec sa Suisse éternelle et ses vieilles valeurs, déplace aussi les électeurs en Suisse romande. Les élites romandes s’étaient repliées sur l’ouverture. Les voilà sommées de redevenir suisses, de s’intéresser à nouveau à ce pays. Au fond, l’émergence de la gauche socialiste participe aussi de ce retour aux sources et de la nécessité de retrouver les valeurs du « Un pour tous, tous pour un » qui ont conduit à la création de l’AVS, de nos institutions sociales et qui font aussi partie de la fierté d’être Suisse. Des votations comme l’adhésion à l’ONU ou l’envoi des soldats à l’étranger ont peut-être été gagnées parce que nous sommes à nouveau des Confédérés, et que cette montée de la droite assez extrême nous en a fait prendre conscience.
Les Romands sont toujours ouverts sur le monde, plus sans doute que n’importe quel peuple d’Europe, mais ils sont revenus d’exil. jg
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