C’est un fait minuscule et sans grande importance. En 1846, un instituteur vaudois, un régent, est nommé à Genève. Il est soutenu par un pasteur qui affirme que le dénommé Décombaz ne peut exercer à Payerne. Il est en effet proche de l’église libre, cette réunion de pasteurs libéraux qui ont refusé de faire allégeance au nouveau pouvoir radical. Le Grand Conseil vote une loi qui donne la possibilité de révoquer tout participant aux assemblées « dissidentes ». Le jour même du vote de la loi, huit des neuf professeurs de l’Académie, l’ancêtre de l’Université, sont destitués.
L’article de Jean-Christophe Bourquin sur « Les radicaux et l’école », publié dans la dernière livraison annuelle de La Revue historique vaudoise montre que l’épuration ne toucha pas seulement les milieux dirigeants du canton, mais également les instituteurs. Environ 10 % des régents furent révoqués ; une révocation douce, à la vaudoise, où l’on demande aux enseignants au préalable s’ils ne veulent pas revenir dans le giron de l’église vaudoise, mais une révocation tout de même. Etonnant paradoxe d’une révolution laïque qui choisit d’exclure ses fonctionnaires sur des critères religieux.
Les catholiques et les juifs eux sont tranquilles comme Baptiste. Druey lui-même tonne à la tribune du Grand Conseil : «Il pourra sans doute arriver qu’un professeur catholique ou juif soit appelé ou maintenu, tandis qu’on écarterait un autre professeur qui aurait tout autant de mérite, mais qui fréquenterait les assemblées dissidentes ( ?) Personne n’est choqué de voir un catholique aller à la messe ou un juif aller à la synagogue ; on sait que la fréquentation de ces cultes n’est pas dictée par une hostilité systématique envers l’église nationale ».
La vindicte des radicaux face aux membres de l’église libre, qui groupe les partisans des libéraux, est totale. Le système scolaire est au service de l’Etat et malheur aux vaincus. Les radicaux de l’époque auraient sans doute été fort surpris que l’on désigne les libéraux comme leurs cousins à la manière d’aujourd’hui ! jg
Jean-Christophe Bourquin,
« Les radicaux vaudois et l’école primaire, 1845-1850 », Revue historique vaudoise, 2001.
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