Retour sur la fête fédérale de lutte à Nyon. L’intérêt des médias romands et la curiosité sans moquerie de la population locale a été au fond une grande surprise. A priori, les Romands europhiles et cosmopolites auraient du considérer avec une raillerie distante ce festival de gros bras alémaniques présumés obtus et blochériens.
Rien de tout cela ne s’est produit. La presse romande a manifesté une indiscutable sympathie pour la fête et de nombreux Romands ont effectué une visite de curiosité dans une manifestation sans commanditaires et sans publicité. Les prix sont en nature, pas de prize money comme on dit chez les sportifs. Nous avons donc affaire à de vrais amateurs. Personne n’a parlé de dopage, peut-être en raison de la volonté de faire de cette fête fédérale une joute à l’ancienne. Mais nous n’irons pas jusqu’à jurer que ces beaux bébés musclés n’ont jamais pris le moindre produit disons ?douteux.
Les Romands ont manifesté à cette occasion une nostalgie sourde des traditions. Si Fribourg et le Valais campent sur des folklores bien vivants, le réforme protestante a été ailleurs une révolution culturelle, une destruction des symboles et des fêtes dont on a parfois l’impression que les Vaudois et les Genevois commencent seulement à se remettre.
D’autres fêtes fédérales, le tir ou la gymnastique, témoins de l’helvétisme, ont pendant longtemps rassemblé romands et alémaniques. Elles semblent aujourd’hui un peu désuètes. En compensation, nous avons construit notre identité sur l’ouverture au monde et l’esprit européen. Mais lorsque viennent les tempêtes, affaire des fonds en déshérence par exemple, face à des étrangers qui nous considèrent simplement comme des Suisses, nous n’avons rien de solide pour nous raccrocher. L’enjeu souterrain du bon accueil de la fête fédérale de lutte est peut-être là: retrouver un sentiment du pays sans perdre notre esprit cosmopolite. C’est aussi ce que martèle Moritz Leuenberger dans ses discours ; mais est-il vraiment écouté en Suisse romande? jg
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