Un commissaire qui aime la bonne chère et la littérature. Des criminels pardonnés et humains. Voilà les héros d’Andrea Camilleri, auteur sicilien.
La Sicile des écrivains a quelque chose de solennel chez le duc de Lampedusa, d’abstrait chez Pirandello et de critique chez Sciascia. Mais avez-vous lu Andrea Camilleri ? Il écrit des policiers, souvent la forme de littérature qui permet le mieux de saisir une ambiance, un trait de caractère, la vie d’un peuple.
Le héros sicilien de Camilleri est un commissaire, nommé Montalbano, aux prises pas vraiment avec la Mafia, non, ces messieurs sont loin, mais à quelques extensions locales dans la petite ville de Vigatà. Il aime manger, le commissaire. Au fil des pages, vous finirez par tout savoir sur les plats servis entre Palerme et Catane. Il aime la littérature, il lit beaucoup et d’abord son quasi-homonyme Montalban, le Catalan et aussi parfois le traité de sémiologie générale d’Umberto Eco qui a son utilité pour résoudre certaines affaires. Son copain Gégé, un ancien camarade d’école est un homme d’honneur : il est souteneur, mais il n’a jamais dénoncé personne.
Dialectes et richesses régionales
Il parle le dialecte sicilien avec ses subordonnés qui d’ailleurs comprennent mal l’Italien. Voilà un grand défi d’adaptation : comment rendre en français les passages en dialecte ? A coup de mots déformés et de phrases légèrement de guingois, le traducteur Serge Quadruppani arrive à nous faire goûter la saveur locale. On l’a compris, le commissaire Montalbano n’a rien d’un détective à l’américaine. C’est plutôt une sorte de Maigret local.
Et l’on sent tout le plaisir de Camilleri à parler de son île natale, comme ce magasin de Palerme, toujours ouvert, sans une seule marchandise à l’intérieur, mais où l’on peut tout acheter et venir chercher l’objet commandé sans faute au jour prévu. Le délai est parfois un peu long ; ce n’est pas toujours facile d’organiser un vol ou de faire la tournée des receleurs. Mais le commerçant est honnête. La preuve : il a toujours payé sans faute son loyer et son électricité.
Entre gouaille et érudition
Les aventures du commissaire Montalbano sont ainsi bourrées de petites anecdotes et pourtant ses livres tirent souvent vers une ambiance fantastique. Parfois, on n’est plus très loin du Nom de la Rose. Dans Chien de faïence, de mystérieux objets disposés près d’un couple de cadavres nous renvoient aux légendes des origines de la chrétienté. Ce curieux mélange d’enracinement sicilien, de gouaille locale et d’érudition de haut vol fait tout le charme des livres d’Andrea Camilleri. Sa vision des Siciliens est pleine de tendresse, même pour les criminels qui sont victimes d’une espèce de fatum, mais qui n’y peuvent pas grand-chose.
Et puis l’on a sa fierté. Un mafioso veut bien se rendre au commissaire, mais à condition d’organiser une fausse fusillade afin de faire croire qu’il s’est défendu jusqu’au bout.
Bref, il faut lire Andrea Camilleri, toutes affaires cessantes, un antidote contre le moralisme ambiant. Il faut dire que dans cette vieille Méditerranée très civilisée, on sait faire la part des choses depuis fort longtemps. jg
Les livres d’Andrea Camilleri, Chien de faïence dont il est question ici et La forme de l’eau ont été publiés au Fleuve noir et La concession du téléphone aux éditions Fayard.
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