Voici dix ans, nous avons découvert les travaux de Frédéric Pajak, aquarelles de petit format, touches délicates de couleurs fondues, saisies d’ambiance, souvenirs de Pékin qui faisait penser à Giverny. En même temps, des collages, toujours de petites dimensions, très chromatiques, plus hachés, plus abstraits. Ensuite est venu le temps des toiles de plus grands formats, marquées par la lumière et la mer, des taches de couleur jetées brutalement sur la toile, sans saturation, avec une large respiration. Un style se forgeait peu à peu. Et puis, mystère de la création, résultat de disputes et de déchirements, la source s’est tarie, les toiles se firent rares.
Mais à côté de la peinture, il y eut toujours des dessins montrés ici ou là, à la galerie Humus à Lausanne par exemple, en complète rupture de style, des traits durs, des corps offerts, exposés, une sexualité triste, agressive et méprisante, des visages masqués avec de faux nez à la Pinocchio, un monde sans tendresse. Et puis Pajak, touche à tout, avait aussi tâté de l’édition en créant des fanzines, des revues mariant texte et graphisme.
Depuis deux ans, tout s’est brusquement mis en place, avec un livre sur Martin Luther, première tentative de mise en décalage de textes et de dessins, et le succès l’an passé, inattendu bien sûr pour un livre de ce prix, de ce format au titre étrange, L’Immense solitude avec Frédéric Nietzsche et César Pavese, orphelins sous le ciel de Turin. Voilà un intitulé pas franchement commercial. Cette année, Pajak récidive avec Le chagrin d’amour, même succès critique et public. Les dessins, sans long nez, sont exposés à la galerie ESF à Lausanne avec quelques toiles nouvelles, très calmes, apaisées.
Comme tous les artistes, Pajak sème de fausses pistes. Les critiques de la presse française pensent qu’il est un dessinateur qui écrit. Certains de ceux qui suivent son travail depuis longtemps considèrent plutôt qu’il est un peintre empruntant des chemins de traverse. Pendant ce temps, l’artiste court et nous nous essoufflons à le suivre. jg
L’exposition a lieu à la galerie ESF, 12 place St-François à Lausanne jusqu’au 23 décembre, ouvert du mardi au vendredi, 10h-18h3o, le samedi jusqu’à 17 h 30.
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