Connaissez-vous ce chiffre : 1,5579 ? Sans doute pas, sauf si vous travaillez dans une banque ou dans le commerce international. C’est le taux du franc suisse face à l’euro en date du vendredi 28 mai. L’euro sera introduit comme monnaie liquide dans douze des quinze pays de l’Union européenne au 1er janvier 2002. Pour l’instant, la Grande-Bretagne, le Danemark et la Suède font bande à part. Tous les pays qui nous entourent auront la même monnaie et tous les Suisses ou presque connaîtront par cœur ce taux de change.
Cette situation risque de bouleverser toutes les réflexions sur le rapprochement de la Suisse avec l’Europe. Bien sûr, en théorie, le changement est déjà dans l’air aujourd’hui. Mais ce sont des lires, des francs français, des schillings ou des marks que nous glissons dans notre portefeuille en voyageant chez nos voisins. Bientôt ces billets seront tous remplacés par des coupures décorées d’architectures stylisées symbolisant l’histoire de l’Europe.
Une très forte majorité des Suisses qui partent en vacances à l’étranger se déplacent sur le continent. Nos compatriotes vont-ils acheter des euros qu’ils revendront à leur retour au pays ? Faisons le pari que ce ne sera pas le cas le plus fréquent. Ils conserveront leurs devises européennes pour le prochain déplacement. L’habitude va sans doute se prendre d’avoir quasiment deux porte-monnaie, voire deux comptes en banque, l’un en francs, l’autre en euros.
Les commerçants, restaurateurs, hôteliers et autres gérants de stations-service n’exigeront probablement pas un paiement en francs suisses de la part des étrangers de passage. L’euro sera sans doute peu à peu accepté dans les zones proches des frontières et peut-être même dans tout le pays. On peut penser que les prix seront affichés un peu partout dans les deux monnaies.
Le franc suisse devra-t-il être fort ou faible face à l’Euro ? Ni l’un ni l’autre, un taux de change aussi stable que possible est bien sûr la meilleure solution pour éviter la valse des étiquettes et éliminer l’incertitude. Cette stabilité est déjà largement acquise aujourd’hui. L’intérêt bien compris d’une partie non négligeable des commerçants et de ces petits patrons, aujourd’hui opposants à l’Europe, en Suisse alémanique tout au moins, sera donc d’avoir un franc suisse aligné sur l’euro, autant dire devenant un appendice d’une monnaie unique relevant d’une banque centrale sur laquelle nous n’aurons aucune influence. Bien sûr, il existe un écart important entre ce constat rationnel d’un lien économique étroit et même d’une dépendance et sa traduction en volonté politique de participer à la construction et au destin de l’Europe. Mais le porte-monnaie a un poids psychologique et, comme dit la sagesse populaire, l’amour passe aussi par l’estomac. JG
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