Même si, en Suisse, la force de frappe des caisses de pension n’est pas aussi efficace qu’aux états-Unis, elles acquièrent aujourd’hui une importance considérable sur la cote des actions en bourse. Commentaire.
Dans le monde de l’économie, le critère de jugement d’une entreprise est aujourd’hui sa capacité à créer de la valeur pour les actionnaires. La tendance actuelle est de mettre l’accent sur le rendement des fonds propres dont on attend qu’il atteigne au moins 15 %. Un chiffre insensé, sans doute intenable à long terme. Ce serait, paraît-il, une exigence des fonds de pension américains qui détiennent une part de plus en plus importante de la capitalisation boursière mondiale.
Les règles sont peu transparentes
Comme le fameux déficit des finances publiques inférieur à 3 % pour entrer dans l’Euro Ð et que tout le monde a oublié aujourd’hui semble-t-il Ð, personne n’est capable de dire quel est le raisonnement sous-jacent qui a conduit à ce 15 %, ni d’ailleurs qui a bien pu formuler cette exigence. Chez nos voisins français, qui ne connaissent pas les retraites par capitalisation, les « fonds de pension américains » sont devenus le nouveau grand Satan d’une partie de la gauche.
En Suisse, une part importante du capital de nos caisses de pension est composée d’actions. Les ordonnances de la LPP fixent à 50 % le montant maximal investi en actions dont au moins 25 % en actions suisses. En fait, il est difficile de connaître exactement le montant des titres détenus par l’ensemble des caisses de pension helvétiques, et quel pourcentage de la capitalisation de la bourse de Zurich est en main de nos institutions de prévoyance.
Collectivités publiques
Une enquête publiée le 7 avril 1999 par L’Illustré fournit quelques indications. La part en actions du capital des caisses de pensions de vingt-trois grandes entreprises du pays oscille entre 30 % et 40 %. Un rapide calcul montre que le montant investi en bourse est de l’ordre de 10 milliards de francs. Ce chiffre est plus faible pour les collectivités publiques. La caisse de pension du personnel fédéral (CPF), dont la gestion n’est pas vraiment un modèle, n’avait pas un seul franc investi à la corbeille. Au mois de juillet de cette année, un communiqué annonçait que la CPF allait investir 16,55% de son capital en actions suisses et 19 % en actions étrangères.
Les salariés, pris au piège entre travail et capitalisation
Il n’est pas absurde de penser que nos caisses de pension détiennent aujourd’hui un pourcentage respectable des actions cotées en Suisse. La force de frappe financière des institutions du IIe pilier est certainement considérable. Leur tactique à court terme est sans doute de pousser à l’augmentation de la valeur des entreprises pour les actionnaires, mais ce n’est pas forcément l’intérêt des affiliés qui sont aussi les employés des dites entreprises, et dont les représentants participent, en principe, à la définition de la politique de placement. Obnubilés à juste titre par leur second pilier, les salariés se retrouvent pris au piège d’une vie plus dure et pleine de stress pour mieux garantir une retraite ultérieure. Il s’agit là d’un problème fondamental qui ne fait l’objet d’aucun débat. Il est vrai que ce n’est ni simple, ni émotionnel, donc peu de chances de voir les médias s’en emparer. jg
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