Le gouvernement cantonal a présenté son programme pour la législature.
Le texte réunit le pragmatisme du présentet le pari d’un avenir meilleur.
Après le tunnel routier sous la Vue-des-Alpes, dont la fonction est aussi pratique Ð permettre l’écoulement de la circulation quelles que soient les conditions climatiques Ð que symbolique Ð relier le Haut et le Bas du canton Ð, voici venu le temps du Réseau urbain neuchâtelois (RUN). Par la vertu d’un métro rapide entre Le Locle, La Chaux-de-Fonds et Neuchâtel, il doit matérialiser une réalité encore inaperçue et insoupçonnée : le canton de Neuchâtel a (aurait) toutes les caractéristiques d’une zone urbaine, la troisième de Suisse romande.
En présentant son premier «programme de législature» que lui impose la nouvelle Constitution cantonale, le gouvernement neuchâtelois a indiscutablement trouvé des accents pour mobiliser les énergies et convaincre la population de sortir de la mélancolie qui l’accable depuis un quart de siècle. Il faut, dit le Conseil d’Etat, transformer nos faiblesses en atouts ; il faut choisir l’audace pour refuser le déclin.
Autant dire Ð et sans la moindre ironie Ð que la lecture du programme de législature est plaisante. Le texte est plutôt bien écrit, ce qui est assez rare pour ce genre d’exercice. Il lance plein d’idées et ouvre des pistes dans lesquelles on serait prêt à s’engager parce qu’elles montrent la voie pour regagner une prospérité perdue (il y a une quarantaine d’années, Neuchâtel comptait parmi les cantons riches ?).
Pouvoir d’achat insuffisant
Le constat principal fait par le Conseil d’Etat est que le canton de Neuchâtel est pauvre parce que les salaires y sont plus bas que dans la majeure partie du pays. Les recettes fiscales, en dépit d’un taux moyen d’imposition plutôt élevé, sont ainsi insuffisantes pour couvrir les dépenses courantes nécessaires et pour financer les investissements indispensables ou souhaitables.
La solution préconisée pour sortir de ce cercle vicieux coule de source : il faut augmenter les revenus et il faut favoriser le développement d’activités économiques du secteur tertiaire qui versent des salaires élevés. Ainsi la masse imposable augmentera et les recettes publiques en feront autant. Le canton, désormais zone urbaine, cessera d’être une région périphérique délaissée. «Travailler à Neuchâtel, écrit le Conseil d’Etat, doit devenir un must et un privilège pour l’ensemble de la Suisse».
Evidemment, une telle inversion de tendance n’est pas que l’affaire d’une législature. L’horizon envisagé est en réalité à dix, douze ans d’échéance. Le gouvernement paraît convaincu, tout en reconnaissant que c’est un pari, que si chacun Ð aussi bien dans le Haut que dans le Bas, à gauche qu’à droite, les employeurs comme les salariés Ð se mobilise autour des idées qu’il préconise, ce changement de paradigme (il y a aujourd’hui des mots auxquels on ne peut échapper !) est de l’ordre du possible.
Le bonheur des perspectives
D’ici là, néanmoins, il y a encore les contraintes du moment. Elles figurent dans le plan financier qui accompagne le programme de législature. Là, on y trouve davantage de coupes (pour éviter que les finances dérapent au-delà du supportable ou de l’admissible) que de largesses. Au cours des quatre prochaines années la fonction publique ne va ni croître (en nombre) ni embellir (en rémunération). L’opulence annoncée reste lointaine.
Sans doute est-ce la vertu, ou la magie, d’un programme de législature – qui en couvre en fait plusieurs – de pouvoir s’évader d’un présent qui comporte des réalités peu encourageantes, pour esquisser un avenir où les conditions d’existence seraient redevenues nettement plus souriantes et amènes. On voudrait bien y croire. On ne demande même qu’à y croire. Mais on peut douter, ou craindre, que la foi ne suffise pas.
Jean-Pierre Ghelfi
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