Une sensibilité peut en cacher une autreCertains considèrent Claude Lelouch comme un cinéaste médiocre, voire «facile». Ils ont raison. Le métier de cinéaste consiste à ciseler chaque scène d’un scénario lu et relu, à conduire les dialogues, les regards ; à dessiner à la craie sur le plancher (Gérard Oury) la trace des pas à suivre, et ensuite, avec l’aide de la monteuse, glisser ces scènes sur le fil du collier que sera l’œuvre : une réalisation claire et distincte, cohérente, au message (ou à l’émotion) clairement perceptible.
Claude Lelouch n’appartient pas à cette catégorie. Impossible pour lui de jouer sur tous les registres. La souplesse de la caméra sur l’épaule, l’utilisation de nouvelles pellicules, l’intégration de Johnny Halliday et Sacha Distel dans la distribution, la liberté de dialogue laissée à Anouck Aimée ne sont pas compatibles avec le professionnalisme et la rigueur que l’on trouve, par exemple, dans le cinéma de Jean-Pierre Melville à la même époque. Et pour le spectateur, il faut bien l’avouer, cela se traduit par un agacement profond (Partir, revenir) ou par une adhésion entière (Des jours et des lunes). Un aristocrate italien s’adresse à Lino Ventura : « Si vous ne lisez pas les critiques de cinéma, comment choisissez-vous vos films ? ». La réponse bourrue : « Comme pour les femmes : en prenant des risques ». C’est le cas avec Lelouch.
Mais comme le film d’aujourd’hui appartient à notre sélection de Noël, vous ne prendrez aucun risque. Vous glisserez dans votre lecteur vidéo La bonne année tourné en 1966, avec Lino Ventura, Françoise Fabian, Charles Gérard (qui n’aime pas le magnifique Charles Gérard qui jouait dans L’aventure, c’est l’aventure ?). Une embrouille qui utilise les masques du propriétaire de Chez Michou, Mireille Mathieu en duo avec un travesti, un casse chez Van Cleef, l’assaut de la police, la prison ?
A première vue, c’est simplement une bonne histoire. Pourtant, ne soyez pas dupe. Car derrière cette aventure policière se dissimule un autre thème, autrement subtil et douloureux, un thème qui appartient à la vie de chacun et qui réveille, dans le subconscient, des images douces et amères. C’est à vous de le découvrir.
Eric Braun
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