Quand, simultanément, un conseiller fédéral et le président de son parti tiennent le même discours, le propos n’est plus en l’air comme un bavardage médiatique, c’est une orientation politique. Hans-Rudolf Merz et Fulvio Pelli ont souhaité que la Suisse retire sa demande d’adhésion à l’Union européenne, gelée depuis 1992. Proposition critiquable dans sa forme et sur le fond.
Hans-Rudolf Merz n’a pas émis une idée générale. Il s’est engagé sur une décision éventuelle du Conseil fédéral avant que le collège en ait délibéré et l’ait inscrite à son ordre du jour. Au nom de la collégialité, on a reproché à Christoph Blocher, une fois devenu conseiller fédéral, d’avoir fait comprendre qu’il avait toujours le même avis sur des sujets à propos desquels il s’était exprimé avant son élection. Le mépris de la collégialité de Hans-Rudolf Merz est autrement plus grave. Qui lui a rappelé les règles du jeu ?
Fulvio Pelli, président du Parti radical suisse, n’a pas les mêmes contraintes. Mais il n’a pas pour autant droit à l’erreur. Or, en précisant que la demande d’adhésion devrait être retirée si le peuple votait «oui» le 25 septembre, il a associé adhésion et un objet de portée circonscrite, la libre circulation pour les nouveaux membres de l’UE. En croyant les prendre à contre-pied, il a rendu service aux partisans du «non» qui s’efforcent, afin d’élargir le front du refus, de lier adhésion et libre circulation. A son niveau de responsabilité l’erreur est lourde.
Sur le fond, la demande d’adhésion gelée et même congelée a un sens. Elle exprime une orientation, «stratégique» dit le Conseil fédéral. Elle donne un sens aux accords bilatéraux comme expression de notre bonne volonté européenne. Le retrait de la demande n’en ferait plus que des accords de bon voisinage.
Enfin notre loyauté envers l’Union européenne exclut une décision de retrait. Après l’échec en France et aux Pays-Bas de la Constitution, l’Union vit une crise. Elle a réussi le grand défi de consolider la paix entre les ennemis qualifiés autrefois d’héréditaires (France et Allemagne) et de réintégrer les pays que l’URSS avait satellisés. La paix considérée désormais comme un acquis, elle s’interroge sur ses nouveaux objectifs, sa dynamique, ses espoirs. Le retrait de la Suisse dans ces circonstances serait interprété comme le constat de l’échec européen fait par un pays placé aux premières loges. Pas un coup de poignard dans le dos, nous n’avons pas ce pouvoir. Mais, devant l’opinion internationale attentive, un geste de méfiance. En fait, déloyal et «désolidaire». ag
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