C’est une citation choc. L’article 44 du règlement du personnel de la commune de Lausanne. Adopté en 1936, sous la première majorité de gauche.
«Sont notamment considérés comme de justes motifs de résiliation : l’incapacité constatée, l’incompatibilité au sens de l’article 22 et le mariage d’un membre du personnel de sexe féminin.»
Le mariage, juste motif de licenciement. Or cette disposition n’a pas été prise à la légère. Elle est révélatrice de la manière dont était vécu le chômage avant-guerre, autrement douloureux dans ses conséquences matérielles qu’aujourd’hui. La municipalité argumentait en ces termes : «Il y a conflit entre deux principes : celui, indiscutablement juste, du droit au travail des femmes et celui, beaucoup plus impérieux à notre sens, qui veut qu’une famille ne puisse toucher deux gains tandis qu’une autre s’en trouve totalement privée.» Mais il n’était pas concevable à l’époque que le refus du double gain puisse toucher aussi bien le mari que l’épouse. D’où cette précision appuyée : «le mariage d’un membre du personnel de sexe féminin.»
La lutte pour l’égalité n’a pu aboutir (partiellement, le combat n’est pas achevé) que par une mutation de l’économie. En 1936, c’est avant tout les institutrices qui étaient visées, mais dans les usines, les commerces, un autre combat devait être mené pour que soient reconnus le droit au travail et l’égalité salariale. ag
Sabine Christe, Nora Natchkova, Manon Schick,
Céline Schoeni, Au foyer de l’inégalité.
La division sexuelle du travail en Suisse
pendant la crise des années trente et
la Deuxième Guerre mondiale.
Editions Antipodes, 2005.
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