La Suisse est un Etat de droit, étrange pays. Le ministre des finances de ce pays singulier affirme que le dispositif fiscal qui sera soumis à l’approbation du peuple viole et le fédéralisme et la Constitution, mais qu’il doit être approuvé sur la promesse de correctifs ultérieurs. Ce ministre, naïf dans l’aveu et hâbleur dans des promesses qu’il ne peut pas tenir, est notre compatriote ; et ce pays, hors la loi fondamentale, notre pays même.
Rappelons que la nouvelle loi fiscale ne respecte pas la Constitution au chapitre de la valeur locative. Certes le Parlement avait la compétence, les cantons ayant été consultés, d’en faire un objet non imposable. Mais il n’avait pas la compétence de prescrire de surcroît des déductions pour frais d’entretien et d’en fixer la quotité. Cette compétence, la Constitution la réserve expressément aux cantons. En outre, autoriser, contre toute logique, une déduction sur une valeur qui a été ramenée à zéro, c’est introduire l’impôt négatif en faveur des propriétaires ! Et même si le législateur est autorisé à encourager l’accès à la propriété, ces déductions créent une inégalité de traitement criante par rapport aux locataires, et instaurent un privilège que la Constitution condamne.
L’intérêt de ce débat, avant votation, c’est qu’il s’engage au moment où les partis se réunissent pour définir leurs pôles de convergence. Il concerne particulièrement le PDC qui, sur cet objet, a eu un comportement que Christiane Brunner a pu qualifier d’«UDC interchangeable».
La condition première, c’est que le paquet soit refusé par le peuple et que les partis offrent aux cantons un moratoire, jusqu’en 2007 au moins, afin qu’ils puissent planifier les effets d’une nouvelle loi et la perte des recettes qu’elle entraînerait. La réouverture de ce dossier serait un signe fort de changement de cap.
Sur le fond, le terrain a déjà été préparé par les consultations et les travaux des Chambres. Il peut y avoir accord sur l’abandon de l’imposition de la valeur locative, mais sans les déductions constitutionnellement infondées. L’imposition individuelle des revenus du couple devrait être préférée au splitting, parce qu’il nous rapproche de la majorité des pays européens, parce qu’il est lisible, dépourvu d’artifices qui cassent la progressivité que la gauche aime qualifier de «cadeau aux riches». Enfin, entre partis qui ont tous à la bouche le mot famille, il doit être possible de trouver une déduction pour enfants ou une prise en charge qui en francs soit la même pour tous, quel que soit le revenu des parents.
Les partis de centre droit, hésitants sur ce dossier, ont cédé à la pression de la droite dure par calcul préélectoral. Il est légitime de leur demander une révision post-électorale. Ce serait la preuve concrète d’un aggiornamento. Le référendum des cantons le rend possible, étant dépourvu d’esprit partisan. Dans la recherche de pôles de convergence, c’est la première occasion concrète et agendée. A saisir avant le 10 décembre.
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