Schengen en image, c’est un poste de douane vide, barrière levée, sans cônes au sol vous obligeant à ralentir et à slalomer. Vous passez tout droit, frontière franchie. Mais Schengen, c’est aussi une protection renforcée pour les étrangers fraudeurs de leur fisc, le bétonnage du réduit national bancaire. Grâce à Schengen, la Suisse aura accès au fichier international de sécurité (SIS), mais elle refusera toute entraide judiciaire en matière fiscale sous réserve d’escroquerie, de blanchiment, de fraude aux impôts indirects. Pourtant les sommes détournées et abritées en Suisse sont d’un montant supérieur à l’argent manipulé par les criminels fichés au SIS.
Cette insupportable contradiction entre l’ouverture et les coffres fermés aurait dû animer le débat du Conseil des Etats. Mais les sénateurs se sont d’abord intéressés au commerce des armes à feu. Quant à l’entraide judiciaire, la conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey a, comme une leçon bien apprise, expliqué qu’elle était justifiée en matière d’impôts indirects parce qu’on ne fraude pas la douane et la TVA sans commettre de faux, alors que pour les impôts directs il arrive que l’on soit «oublieux», ce qui n’est pas pénalement répréhensible et ne justifie pas l’entraide.
La Suisse par son interprétation du secret bancaire pratique, à son profit, une concurrence déloyale. Mais la critique que l’on peut faire de cet abus est désamorcée par l’Union européenne. Non seulement elle a légitimé notre distinction entre fraude et escroquerie, mais elle a donné à la Suisse des garanties que l’évolution du droit schengenien ne remettrait pas en cause cet acquis (voir encadré). Le secret bancaire à la Suisse a reçu une reconnaissance de droit international. Comment dès lors s’indigner de notre déloyauté si elle est acceptée par ceux qui en sont victimes. Toute critique s’attirera la même réponse : vous êtes plus loyaliste que l’UE !
Dans la défense de la place financière, les négociateurs suisses ont marqué des points, mais leur habileté ne doit pas masquer le problème de fond. La fraude est un report inacceptable et délictueux sur le contribuable honnête ; indépendamment des accords diplomatiques le dossier nous concerne comme objet de politique intérieure. Et jusqu’ici la gauche est bien timide. Il ne suffit pas, sur Schengen, de contrer le référendum annoncé par l’UDC. Il faut aussi par les moyens appropriés faire savoir, haut et fort, que le oui à Schengen n’est pas un oui au secret bancaire helvétique.
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