On ne récitera pas comme un rosaire l’argumentaire en faveur du congé maternité. Il est connu de chacun. Notamment la contradiction intolérable entre la loi sur le travail qui met obligatoirement en congé pour huit semaines la femme salariée qui vient d’accoucher et le code des obligations qui ne garantit pas une pleine compensation salariale de cette mise au repos légale. Contradiction encore entre la compétence constitutionnelle impérative «la Confédération institue une assurance maternité» et l’absence de réalisation législative, même si c’est le peuple qui a refusé les projets qui lui furent soumis par référendum. Et argument politique décisif, cette fois-ci, une coalition s’est constituée qui déporte très à droite, isolés, les opposants. Un petit pas pour une politique sociale plus complète peut être franchi ; un grand pas en ces temps difficiles, plus réactionnaires que progressistes.
Le «oui» de la gauche, s’il est sans arrière-pensée, ne doit pas être considéré comme allant de soi. Les allocations pour perte de gain (APG) prendront en charge le coût du congé maternité de 14 semaines. Cette réaffectation des APG signifie qu’une charge qui jusqu’ici était aux frais des employeurs sera supportée paritairement. Dans le régime actuel, où sont appliqués soit le code des obligations, soit des conventions collectives, les employeurs consacrent 350 millions à l’indemnisation du congé maternité. C’est insuffisant puisque les trois quarts des salariées obtiendront, si la loi est acceptée, de meilleures prestations.
Une nouvelle charge
pour les employés
Il n’en demeure pas moins qu’une obligation, certes lacunaire, qui était payée par les employeurs seuls, sera supportée aussi par les salariés. Les employeurs y trouveront un avantage, globalement et par branches, si elles occupent une forte main d’œuvre féminine (la coiffure, l’industrie horlogère, le commerce de détail, les banques, la restauration). Néanmoins, cette nouvelle répartition ne chargera pas les salariés, puisque la cotisation aux APG qu’ils paient déjà suffira à couvrir le coût du congé maternité, sous réserve d’une augmentation minime, 0,1% dès 2008.
Certes la réaffectation des APG est naturelle. Depuis leur création en 1953, les femmes devaient cotiser quand bien même elles n’étaient pas astreintes aux obligations militaires. Par le congé maternité, l’équité, c’est-à-dire le juste équilibre entre contribution et indemnisation, est rétablie. Avec, comme conséquence, que les salariés participeront désormais paritairement à une charge jusqu’ici exclusivement patronale. C’est l’habileté du projet, qui est un compromis. Personne ne perd et beaucoup gagnent.
Mais, dans l’enthousiasme de la campagne, il est permis de rappeler que le «oui» des salariés et de la gauche est d’autant plus fondé qu’ils font leur part. Du même coup est réfuté l’argument ordinaire des opposants prétendant que la politique sociale se développe au détriment de l’économie qu’on accable de charges nouvelles.
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