Comment agir ? La question posée est celle du magistrat et celle du banquier. Comment agir quand la banque qu’on dirige est soumise à la concurrence, cotée en bourse, poussée à des exigences de performance et que son actionnaire majoritaire est l’Etat qui impose une mission d’intérêt public ? Comment agir comme magistrat, responsable politique, pour que la mission d’une société que l’Etat contrôle soit surveillée et respectée sans attenter à l’autonomie de la gestion ?
La commission vaudoise d’enquête parlementaire, constituée après les déboires de la Banque cantonale vaudoise, a tenté de répondre à cette question fondamentale. Un rapport de 240 pages adopté à l’unanimité. Son président, Patrick de Preux, avertissait qu’il ne contenait pas de scoop. Mais on y trouve des détails significatifs. Par exemple, l’étonnement d’un témoin, rapporté lors d’un audit, de la manière dont l’ancien président du conseil d’administration de la BCV, Gilbert Duchoud, répondait à une question du conseiller d’Etat Philippe Biéler comme s’il se mêlait de ce qu’il ne connaissait pas et qui ne le regardait pas. Ou encore l’intervention (non commentée dans la presse) du conseiller d’Etat Charles Favre pour que soit augmenté le dividende à un moment inopportun pour la banque. Deux points révélateurs : arrogance du banquier, confusion des rôles du magistrat.
Expérience faite, quelle ligne de conduite ?
Premièrement l’institution doit être une société de droit public. C’est la loi qui définit sa raison sociale. Si le respect de cette mission affaiblit le rendement, les actionnaires ne sauraient s’en plaindre. La loi a priorité sur la bourse.
L’Etat doit donc veiller à ce que l’équipe directoriale ne se considère comme seule compétente et organise elle-même sa prise de pouvoir en se propulsant de la présidence de la direction générale à la présidence du conseil d’administration. Impérativement (regret que la commission n’ait pas posé cette règle) le conseil d’administration doit être indépendant et en aucun cas ouvert aux cadres de la banque en fin de carrière.
L’ambition de la direction se manifeste aussi par la volonté de se lancer dans des activités bancaires pointues et de rapport élevé. Déjà dans les années septante, cette volonté fut source de conflit. Outre les risques encourus, certaines de ces activités ont un caractère spéculatif. Une surveillance rigoureuse, en ce domaine précis, répond aux règles de la prudence, de l’éthique. Est-il, par exemple, nécessaire que la BCV ait un pied-à-terre aux Iles Vierges ?
Le mandat des administrateurs, qui peuvent être nommés par l’assemblée générale, si l’Etat est l’actionnaire majoritaire, est de garantir le respect de la mission. En revanche, ils ne sauraient être le relais automatique de l’Etat sur un détail opérationnel, et encore moins si l’Etat (voyez Charles Favre) y trouve un gain budgétaire. L’administrateur ne peut avoir deux casquettes et servir deux maîtres.
Les banques cantonales ont été créées au xixe siècle pour répondre aux besoins de l’économie régionale de l’époque. Mais aujourd’hui, demandent certains, sont-elles encore utiles ? Mauvaise question : elles existent ; elles innervent l’économie cantonale. Ce qui importe, c’est qu’elles soient gérées, affrontant la concurrence, dans un esprit de service public.
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