En concédant un rabais substantiel (non dévoilé) à Migros, les Entreprises électriques fribourgeoises ont mis fin à la procédure engagée contre leur monopole. Restent donc applicables et la loi sur les cartels et la jurisprudence de la Commission de la concurrence, ainsi que celle du Tribunal fédéral. Cette semi-libéralisation va pousser les distributeurs à négocier avec leurs gros clients de nouveaux contrats, comme ils l’avaient fait avant la votation sur le marché de l’électricité, afin de les fidéliser. Mais on se trouve dans une situation où les règles du jeu sont floues. Celle du «monopole contesté» quand un gros client engage de longues procédures judiciaires pour bénéficier de la concurrence ou celle du «monopole assoupli» quand le distributeur anticipe et accepte de revoir (confidentiellement) ses prix. Ni l’égalité de traitement, ni la transparence ne peuvent se satisfaire d’un régime aussi boiteux.
Deux interventions devraient permettre d’accélérer les travaux d’élaboration d’une nouvelle loi, l’une venant de l’Union syndicale suisse (USS) et l’autre, hors de nos frontières, de l’Union européenne. L’USS a réclamé, dans la perspective d’une réforme, que le transport du courant à haute tension soit confié à une société nationale au lieu d’être assumé par des sociétés intégrées verticalement qui sont aussi des distributrices en situation de monopole. Ce découplage permettrait de mieux assurer nos liaisons internationales et d’ouvrir le marché suisse. L’USS demande aussi une instance de régulation douée de pouvoirs forts. La faiblesse du régulateur était un des défauts majeurs de la loi rejetée par le peuple.
Planification européenne
L’autre donnée nouvelle est le projet de directive présentée par la commissaire européenne Loyola de Palacio (transports et énergie). Ces propositions corrigent les défauts reprochés avec pertinence à la libéralisation, en introduisant des doses fortes de surveillance et de planification. On se souvient que, selon les adversaires de la libéralisation, la recherche du profit en situation de concurrence pousserait les distributeurs à travailler au maximum de leurs capacités sans garder de réserves pour faire face à des situations inattendues, d’où des risques programmés de pénurie. L’Union européenne s’apprête à exiger des instances nationales de régulation qu’elles s’assurent que tout intervenant sur le marché dispose des réserves de capacités suffisantes. Un autre reproche fait à la libéralisation portait sur les investissements : les sociétés en concurrence les négligeraient pour ne pas alourdir leur prix de revient. Désormais elles devront présenter à l’instance de régulation, chaque année, leurs plans d’investissement. En cas de retard ou de négligence, l’autorité de régulation doit imposer des délais, infliger des amendes et même confier à des tiers l’exécution des travaux. Bruxelles est informé de la teneur des plans et les approuve. Enfin l’Union européenne exige, pour que la concurrence ne pousse pas à la consommation, des économies de l’énergie finale. De 2006 à 2012, la consommation, par rapport à la moyenne des cinq années antérieures, devrait être abaissée de 1% par année. Et même de 1,5% pour les pouvoirs publics tenus de donner l’exemple !
La nouvelle loi
Il n’y a pas de libéralisation du marché sans régulation forte ni planification. Que la démonstration vienne de l’Union européenne pourra faciliter et inspirer la préparation de la nouvelle loi suisse, qui est indispensable, aussi bien pour dépasser le flou juridique actuel que pour mieux nous coordonner avec elle. Après avoir contribué de manière décisive par référendum à l’échec de la loi en 2002, la gauche (PS et Verts) devrait être en mesure de mieux définir ses contre-propositions, étant admis que le statu quo n’est pas durablement tenable.
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