En Suisse, la représentation nationale est bipède, mais elle boîte. D’un côté, le Conseil national qui représente le peuple des électeurs et qui est élu à la proportionnelle. Il est bon de rappeler que le choix de ce mode d’élection, la proportionnelle, n’a pas été un simple choix de convenance. C’était une des revendications du comité d’Olten qui dirigea la grève générale de 1918. Au sortir de la Première Guerre mondiale, l’élection du Conseil national à la proportionnelle fut donc un signe de détente politique. De l’autre côté, le Conseil des Etats, élu selon des règles cantonales. Deux représentants par canton, quelle que soit son importance démographique, sont choisis partout au système majoritaire. Les partis qui prédominent dans de nombreux petits cantons, comme le PDC, en tirent une représentation renforcée. L’avantage est d’importance puisque les deux Chambres ont un pouvoir égal.
Pendant longtemps, la gauche s’est insurgée contre cette prime au conservatisme. Elle s’indignait que le poids d’un électeur uranais fut un décuple du poids de l’électeur zurichois par le choix des conseillers aux Etats ou par le jeu de la double majorité du peuple et des cantons pour les votes constitutionnels. Elle avançait des formules inspirées de la représentation des LŠnder allemands qui tient compte de la démographie. Aujourd’hui cette revendication politique n’est plus agitée. On ne sait trop pourquoi alors que l’urbanisation s’est fortement accélérée. Peut-être parce que le système n’est pas réformable puisque la réforme impliquerait l’accord de la majorité des cantons, peu enclins à se laisser dépouiller. Peut-être parce qu’aurait été reconnue comme légitime cette règle de base du fédéralisme : le traitement égal de parties inégales.
Si le système boîte, c’est sur l’autre jambe, parce que la proportionnelle pour l’élection de la Chambre du peuple est de plus en plus faussée. En effet, les cantons sont définis par la Constitution comme circonscription électorale. Or les petits cantons ne disposent pas de sièges en nombre suffisant pour que la proportionnelle soit applicable. Cinq d’entre eux élisent au système majoritaire leur unique député. Sept autres élisent cinq députés ou moins, ce qui correspond à un quorum de fait très élevé, infranchissable pour les partis minoritaires. Si l’on considère qu’il faut au minimum dix sièges à répartir pour que la proportionnelle soit respectée, seuls sept cantons remplissent cette condition.
L’exemple de Zurich, obligé de tenir compte de la jurisprudence du Tribunal fédéral, montre que des solutions sont possibles (cf. page 2). Mais il faut s’étonner de la passivité des réformateurs sur cette question. Pourquoi acceptent-ils cette double prime aux conservateurs ? La question n’est pas à l’ordre du jour du calendrier électoral. Il faut l’y inscrire.
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