La décision d’associer l’Institut Suisse de Recherches Expérimentales sur le Cancer (ISREC) à l’EPFL met en jeu l’avenir de l’Université qui mérite mieux que des vœux de circonstance.
Dans le style «big boss» des grandes sociétés privées qui, après des tractations très secrètes, annoncent fusions, participations croisées, mariage ou fiançailles, les directeurs de l’EPFL et de l’ISREC ont fait savoir qu’ils allaient regrouper leurs forces sur le site d’Ecublens. La nouvelle a intrigué, irrité, désarçonné.
Intrigué, parce que les conditions de cette alliance demeurent floues. L’ISREC quitterait Epalinges pour se loger dans quels locaux, construits ou à construire, avec quel financement ? Quel sera le sort de l’Institut Ludwig qui lui est lié, etc ? Il y a eu effet d’annonce, mais peu d’annonces.
Irrité, parce que la tractation a été menée dans le secret. Le rectorat lausannois, les autorités politiques vaudoises et genevoises ont appris la nouvelle dans la presse. En revanche, l’autorité fédérale, en la personne du secrétaire d’Etat Charles Kleiber était non seulement au courant mais partie prenante à la tractation. Cette mise à l’écart des partenaires a blessé et fâché. Ces sentiments de colère d’abord refoulés ont été rendus publics.
Désarçonné, car l’équilibre du projet triangulaire est remis en cause. Il prévoyait de porter et financer à trois (Vaud, Genève, EPFL) le développement de la «génomique», Vaud y consacrant pour sa part les économies réalisées par l’abandon de la chimie, de la physique et des mathématiques, sous réserve d’une dizaine de millions réservés aux sciences humaines pour des projets liés aux sciences de la vie. Cette recherche à trois, qui va se mettre en place, supposait des partenaires égaux. L’intérêt de l’EPFL pour la recherche médicale expérimentale dérègle l’accord signé et ratifié d’une encre encore fraîche. La table est à peine mise sur le plateau à trois pieds qu’on en dérègle un des pieds: première vaisselle cassée.
Rien n’empêche, dira-t-on, la collaboration. L’ISREC peut être renforcé en travaillant à l’ombre de l’EPFL aux ressources fédérales. Son apparition sur le site dérange l’organigramme initial, mais cette nouvelle donne renforce le pôle Dorigny-Ecublens. Tout cela serait plaidable, si le statut de l’Université n’apparaissait flottant.
En renonçant à trois sections importantes de sa Faculté des sciences, l’Université a accepté un choix contraignant, celui de réinvestir dans un partenariat. Au-delà de la «génomique» en jeu, la biologie, la bio-chimie et surtout la recherche médicale, partie intégrante de la mission du CHUV, qui est un des points forts de l’identité cantonale. Or dans le non-dit de la décision de l’ISREC, on découvre la certitude que le canton aux finances non encore assainies n’est pas le bon cheval, faute de moyens, faute d’ambition, faute de capacité de décision politique.
Il faut espérer que le Conseil d’Etat Vaudois, le temps de la mise en place étant passé prenne une position claire sur ce qu’il attend de l’Université. La question lui a été posée de manière nette et même provocante par le rectorat. De surcroît la nouvelle Constitution le contraint à définir son programme de législature. Espérons que pour l’Université il ne se limitera pas à quelques souhaits de bon aloi comme «faire au mieux avec les moyens disponibles». ag
Et si l’envie vous prend de passer de l’autre côté de l’écran, DP est ouvert aux nouvelles collaborations: prenez contact!