La réaction syndicale a été forte et rapide, bien amplifiée et scandée au magnétophone médiatique. La pré-décision du Conseil fédéral d’abaisser à 3% le rendement minimal des fonds du second pilier aurait pu tomber dans l’indifférence de la trêve vacancière. Les syndicats ont sorti les pavés : les pavés avant la plage.
La vigueur du ton a été jugée à la fois sincère et tactique. Parler fort pour obtenir une application retardée de la décision, un abaissement plus modéré du taux, des garanties de correction à la hausse dès que le marché le permettra. Ces revendications-là, certes légitimes, seraient un peu courtes puisqu’elles ne visent qu’à l’application du droit en vigueur. En effet, et la loi et l’ordonnance prévoient une adaptation régulière du taux de rendement, un peu à la manière dont le taux hypothécaire s’adapte au marché (cf. article p. 2 et 3). Or, jusqu’à maintenant, le droit a été ignoré par le Conseil fédéral. Il ne faudrait donc pas considérer comme une victoire la promesse de corriger le taux de rendement à la hausse quand la conjoncture économique le permettra. Le mal est plus profond. Il faut poser la vraie question: pourquoi la loi n’a-t-elle pas été appliquée ? Et à cette aune, définir les revendications.
La première exigence, c’est, selon la vieille formule trotskiste, « l’ouverture des livres de comptes ». Les assureurs pourront faire valoir leurs frais administratifs, le rendement nominal et réel, les ristournes aux assurés ; mais aussi, devront apparaître leurs bénéfices et leur affectation ainsi que l’évolution de leurs réserves. Cette exigence de transparence, le Conseil fédéral et le Parlement peuvent l’imposer puisqu’on est dans un domaine régulé et sous surveillance. La revendication débouchera, en fin de compte, sur l’obligation de tenir une comptabilité distincte pour les fonds de pension et un renforcement des règles comptables concernant leur gestion.
Si la loi n’a pas été appliquée, c’est que le gouvernement s’en est remis à la commission extra-parlementaire LPP, sous l’influence des assureurs qui y font valoir leur prétendu savoir-faire. Mais les syndicats y sont représentés aussi. La transparence voudrait que l’on sache si et comment ils s’y sont fait entendre. A eux d’exiger des critères explicites justifiant l’adaptation du taux de rendement.
Enfin, les syndicats ont à s’organiser pour donner un sens réel à la gestion paritaire de l’épargne professionnelle. La loi prévoit cette gestion mais son application concrète se heurte à la dispersion des fonds de prévoyance et au faible taux de syndicalisation. Certes il faut signaler des réalisations comme l’ARPIP (Association des représentants du personnel dans les institutions de prévoyance), des fonds de placement comme Ethos, mais on est loin d’une gestion paritaire organisée et généralisée. Dans cette action, les syndicats pourraient renforcer leur assise et trouver des pouvoirs de levier ; depuis plus de trente ans, DP ne cesse de le répéter.
La manifestation syndicale prévue à la rentrée ne peut avoir pour seul objectif de modérer ou de retarder la baisse du taux de rendement. C’est le fonctionnement même du système qui est en cause. Il appelle une action réformatrice. AG
Pour ne manquer aucun article
Recevez la newsletter gratuite de Domaine Public.
Et si l’envie vous prend de passer de l’autre côté de l’écran, DP est ouvert aux nouvelles collaborations: prenez contact!