Pascal Couchepin aime Singapour ; sous un régime autoritaire on y pratique un libéralisme poussé. De quoi séduire et son âme de chef et son goût du laisser-faire économique. Il n’a donc pas résisté à la tentation de rappeler au Conseil fédéral à propos du trafic d’agglomération que, voyageur, il connaissait Singapour. L’idée du péage urbain se résume à cette faiblesse pardonnable. Péage pet de lapin.
Mais deux questions de fond méritent discussion. La première est celle de la mise aux enchères de l’espace public. Un bouchon routier, c’est toujours un excès de demande par rapport à l’offre qui n’est pas extensible. D’où la tentation de faire jouer la loi de l’offre et de la demande. Une place de parc est peu occupée de 8h à 10h, puis saturée de 10h à 12h. On fait payer deux francs l’heure creuse et cinq francs l’heure la plus recherchée. Plus un axe routier est fréquenté, plus cher sera le péage. Exercice théorique. Car la Constitution proscrit absolument le péage. Et s’il devait être envisagé, ce serait dans des cas délimités. Un péage pour la traversée des tunnels alpins est envisageable et même souhaitable dans un équilibre rail-route. Mieux vaut faire payer la route des Alpes que subventionner ruineusement le rail pour que ses tarifs soient compétitifs. En revanche, au-delà de ces situations limite, il est exclu de faire régler le trafic par une mise aux enchères de l’espace public. Certains écologistes qui flirtent avec cette idée feraient bien de procéder à une nette clarification idéologique.
Pascal Couchepin a donné une justification à « son idée » : défendre les régions périphériques. L’augmentation du prix de l’essence (cinq centimes) pour financer les transports publics d’agglomération se ferait au détriment des habitants excentrés, consommateurs d’essence en raison même de leur éloignement. La préoccupation est légitime ; elle est liée au souci de cohésion nationale. Mais on ne défend pas cette cohésion en créant des frontières intérieures, dont l’abolition fut une des ambitions et la réussite des radicaux, dont Pascal Couchepin est l’héritier.
La défense des régions périphériques peut être un programme porteur. Y figurent plusieurs chapitres d’actualité. D’abord la défense d’un service public universel desservant de manière complète toute région, même si ce service est non rentable (poste et téléphone). Lorsque ce service est concessionné, l’universalité de la desserte doit être une condition sine qua non. Ou encore le refus par les grandes sociétés de distribution de prix différenciés, même pour les commerces et les stations les plus éloignés. Ou encore pas de salaires ou de rentes plus bas sous prétexte que la vie serait meilleur marché dans les «coins perdus ». Ou encore défense de l’agriculture de montagne, des ressources hydrauliques naturelles.
Bref tout un programme qui ne sera pas made in Singapour. AG
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