Malgré la mise en place d’organismes d’autorégulation, la Suisse peine à appliquer véritablement la Loi sur le blanchiment.
Le président du Conseil national ayant démissionné de tous ses conseils d’administration, il n’y aurait donc plus rien à voir. Comme s’il avait été un cas unique, mouton noir dans une Suisse de laine blanche et peignée. Certes, tous les avocats d’affaires ne sont pas président du Parlement, mais l’homme du perchoir était représentatif de tout un milieu influent et qui prospère sur les particularités de la place financière et fiscale suisse. M. Hess était zougois, et il y a beaucoup de « Zougoi s» à Zoug et dans d’autres cantons. Le puritanisme dont il a été, à juste titre victime, devrait s’élargir aux entreprises et banques sérieuses, à pignon sur rue, qui ont des relations d’affaires avec des sociétés offshore, fiscalement paradisiaques, mais ce qui est plus grave, situées dans des pays non coopératifs, c’est-à-dire qui ne répondent pas aux demandes d’entraide judiciaire, comme Singapour pour donner un exemple.
Le cas Hess a été transformé en discussion médiatique sur les moyens de subsistance des parlementaires. C’est dévier en corner. Le problème cadré, c’est la relation de toute une classe suisse avec l’argent. Et par exemple, la mise en place laborieuse de la Loi suisse contre le blanchiment.
Les OAR
La Suisse libérale ne croit pas à l’autogestion, en revanche, corporativement, elle cultive l’autorégulation.
Il y a, dans notre pays, 6200 avocats, 1500 notaires, mais encore des gérants de fortune, des intermédiaires financiers (6000), des changeurs, des négociants en devises, des fiduciaires. En vertu de la loi, tout ce monde est appelé à s’autoréguler. Le principe est celui qui avait été défendu par les banques, donnant lieu à la Convention de diligence. La profession crée un organe de contrôle auquel le secret professionnel ne peut être opposé ; en cas de défaillance, elle applique des sanctions sous forme d’amende. Mais le nom des coupables n’est pas révélé. Ni vu, ni connu. Aussi la Commission fédérale des banques a-t-elle frappé un grand coup, récemment, en dénonçant publiquement le Crédit suisse dans l’affaire du Nigérien Abacha. Mais la commission fédérale dispose dans son domaine de pouvoirs spéciaux.
Les organismes d’autorégulation sont, lentement, depuis deux ans mis en place. Il peut y en avoir plusieurs pour une même profession. La concurrence jouera dans quel sens ? Celui du laxisme ? Ces OAR doivent être agréés par un office de contrôle, rattaché au Département des finances. Or cet office est incapable de maîtriser sa tâche, vu la personnalité de son chef, style seul maître à bord, et qui a réussi à faire fuir la majorité de ses collaborateurs.
Lorsque l’OAR a détecté un cas suspect de blanchiment, elle doit le dénoncer à un office, rattaché au Département de Justice et Police chargé de poursuivre l’enquête. Lui ne croule pas sous le travail. Peu ou pas de communications de soupçons. Au nom de la commission d’information française, Arnaud Montebourg s’en étonnait. La sous-commission du Conseil national qui suit l’application de la Loi sur le blanchiment demande deux ou trois ans de patience avant que tout soit en place… Pourquoi de tels délais ? Les parlementaires qui ont pris plaisir à apporter leur petite bûche pour l’autodafé de Peter Hess seraient plus crédibles s’ils haussaient le ton sur l’exécution de la Loi contre le blanchiment.
Les mentalités ont changé, dit-on. Fini le temps où le conseiller fédéral Celio était élu alors qu’il administrait quelque centaines de sociétés et qu’il en retrouvait quelques dizaines plus importantes, après sa démission. C’est vrai. La mode a changé. Mais seulement la mode. Le tort de Peter Hess, c’est de s’être nippé à l’ancienne. ag
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