Les rapports de force marquent le territoire de leur empreinte. Il y a le territoire des modestes et celui des riches. A Genève, presqu’île politique dans un espace restreint, cette division est particulièrement visible. Les communes de la périphérie, sur la rive droite du Rhône et entre Arve et Lac, hébergent la majorité des logements sociaux, assument des dépenses sociales élevées sans pour autant bénéficier de rentrées fiscales importantes. En prime, elles souffrent de nuisances telles que l’autoroute, l’aéroport et les dépôts d’essence.
Réagissant enfin à la pénurie de logements, le Conseil d’Etat propose des déclassements de terrains dans quatorze communes. Celles qui abritent l’essentiel des logements sociaux estiment qu’elles ont suffisamment donné. D’autres seraient prêtes à accepter de nouvelles zones à bâtir, mais à condition que ne leur soient pas imposés des quotas de logements sociaux. Par ailleurs, les communes hésitent face aux coûts qu’exige l’équipement de ces zones. C’est pourquoi les socialistes genevois suggèrent de mettre ces coûts à la charge du canton.
Mais cette mesure ne suffira pas à concrétiser des réalisations d’envergure, à la mesure des besoins actuels. Pour débloquer le dossier prioritaire du logement, pour que la construction démarre enfin, l’accord de tous les partenaires est indispensable : partis politiques, communes et investisseurs. Et cet accord ne verra le jour que si chacun est prêt à des concessions. En particulier doit être trouvée une répartition équilibrée des logements sociaux sur le territoire.
L’agglomération genevoise
déborde la frontière
Pourtant Genève ne peut plus espérer résoudre ses problèmes dans le cadre étroit de son territoire politique. Du sommet du Salève, on ne peut pas toujours distinguer la frontière franco-suisse. Dans les faits, Suisse et Français habitent une même région urbaine. La couronne bâtie, de l’Ain à la Haute-Savoie, enserre Genève. C’est une nouvelle Genève de 210 000 habitants qui ne cesse de se développer.
Mais malgré cette homogénéité visuelle, la frontière, bien qu’elle soit perçue comme artificielle, continue de générer son lot de frustrations, de sentiments d’inégalité. Lors d’une récente assemblée convoquée par les syndicats genevois sur le thème du chômage, des chômeurs du secteur de l’informatique ont dénoncé la concurrence des travailleurs français qui se contenteraient de salaires inférieurs. Un ressentiment que l’on retrouve de l’autre côté de la frontière à propos du coût élevé du logement provoqué par la demande genevoise.
Genève est fière des lieux prestigieux que sont le rectangle d’or autour de l’aéroport et les organisations internationales. Cependant, elle ne devrait pas oublier le reste de sa couronne qui se développe dans le plus grand désordre urbanistique. Penser le territoire en termes de travail, de logement et de déplacement, tel est le défi.
Et si l’envie vous prend de passer de l’autre côté de l’écran, DP est ouvert aux nouvelles collaborations: prenez contact!