Les administrateurs de société ont la cote, non pas celle de la bourse, mais celle de l’attention publique critique. Les remises en cause sont multiples. Est visée la multiplication des mandats, ce qui est cause ou d’inefficacité ou d’absence de contrôle, notamment pour les sociétés type boîte-aux-lettres par où passent la fraude fiscale et le blanchiment (lire en page 5 la note sur Peter Hess, dans ce même numéro). Sont critiquées aussi l’absence d’indépendance, la rétribution et d’une manière générale la confidentialité qui protège ce milieu.
Mais les administrateurs ne sont pas seuls. Souvent, ils prospèrent en interdépendance avec la direction générale. Les avantages, réciproquement concédés, révèlent la constitution d’une véritable caste où les administrateurs veulent étendre les garanties qui ordinairement sont celles des salariés même ceux du plus haut niveau, où de son côté la direction générale salariée veut obtenir des rétributions semblables à celles des propriétaires de la société, c’est-à-dire les actionnaires. Examinons les caractéristiques de cette caste.
Elle se coopte. Il ne s’agit pas seulement de participations croisées (tu viens chez moi et en échange tu m’invites chez toi), mais du glissement des présidents de direction vers le conseil d’administration. Le comble de la confusion est, dans ce domaine, le cumul des fonctions : président du Conseil et administrateur délégué, comme au Crédit suisse.
Deuxième caractéristique : les administrateurs négocient des contrats qui les protègent. Avec qui les négocient-ils ? Avec le conseil d’administration ! Ces contrats sont secrets. Mais on découvre qu’ils prévoient des indemnités de licenciements ! La rigueur voudrait que les règles du mandat d’actionnaire soient préétablies, connues et approuvées par les actionnaires.
Troisièmement, les administrateurs fixent eux-mêmes les règles de leur rétribution, comme de nombreux exemples l’ont illustré : Banque cantonale de Zurich, UBS, ect. Même remarque critique.
Quatrièmement, la direction générale est associée à la répartition du bénéfice, pour des montants qui peuvent être parfois dans le secteur bancaire un multiple du salaire par ailleurs plus que confortable. Ce n’est plus la prime au mérite, mais un droit de copropriétaire.
L’obligation de publier la rétribution des administrateurs (c’est ce que demande la motion du Vaudois Pierre Chiffelle au Conseil national) serait un premier pas vers la transparence dont se réclame le libéralisme. Mais la caste suisse a conservé l’esprit des anciennes corporations : le libéralisme pour les affaires, mais pas pour ses privilèges. AG
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