Autrefois, nous enseigne-t-on, le téléphone subventionnait La Poste. A ce jeu, téléphoner à New-York assurait une meilleure desserte des campagnes profondes. Cette solidarité imposée était plaisante. Mais les progrès inouïs de la technologie des télécommunications ont fait sauter les monopoles et leurs frontières. La Poste s’est retrouvée seule, sommée de s’autofinancer. Dès lors, elle trouve trop lourde la charge du service des campagnes profondes.
Qui gagne, qui perd à cette nouvelle donne ? Incontestablement gagnent les particuliers ou les entreprises qui dépensent beaucoup en téléphonie. Mais leurs concurrents aussi ! Indéniablement les prestations des services postaux seront réduites territorialement. Toutefois cette redistribution entre gagnants et perdants n’est pas un jeu simple de vases communicants.
Tout d’abord les nouvelles technologies profitent aussi aux régions non urbanisées ; elles les désenclavent. Certes à leurs frais et coûteusement ; par exemple elles ne pouvaient espérer, faute de réseau câblé, bénéficier de l’offre télévisuelle européenne. Désormais le satellite les relie au monde. Le Portugais qui travaille à Bioley-Magnoux a accès à sa chaîne nationale. Et cette offre n’est pas boudée. Recensez les fermes équipées de paraboles !
D’autre part, le territoire est retravaillé dans beaucoup d’autres domaines. Combien de laiteries, d’auberges disparues. Même les caisses et banques Raiffeisen qui sont le symbole de l’implantation locale se sont regroupées. En comparaison le réseau postal demeurait figé.
Enfin l’accessibilité a changé de sens. Les régions non urbanisées ont un taux élevé de motorisation pour des raisons vitales. Pour inspecter son champ, à 600 m, le paysan prend son tracteur ou sa voiture.
Si la réorganisation du réseau est acceptable, elle doit se faire sous conditions. D’abord être opérée dans un esprit de service public et pas dans le style manager obsédé par la rentabilité des fonds propres. La nouvelle direction semble l’avoir heureusement compris. La synergie recherchée avec d’autres prestations locales, même commerciales, ouvre des perspectives inventives. A observer s’il s’agit d’alibis ou de créations originales et durables. Mais le principe premier, à respecter absolument et sans dérogation, est celui de la distribution postale pour tous à domicile par la présence physique du facteur(trice) et par lui d’un accès aux prestations standards de La Poste. La distribution du courrier, l’accès quotidien à la presse touchent à des libertés fondamentales, celles de la liberté d’opinion, celle du fonctionnement de la démocratie.
En dépit d’une réorganisation correcte, menée dans un esprit de service public, la couverture territoriale laissera, peut-être, subsister un déficit. Il appartiendra à la solidarité nationale de l’assumer (hausse des tarifs, diversification de La Poste, ou plus clairement subventionnement direct). Car légitimement il s’agit de prestations d’intérêt général. AG
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