Lire le rapport du Conseil fédéral sur la politique extérieure, c’est faire le tour du monde dans son fauteuil. Le ton du guide n’est pas trop convenu, plutôt direct. L’itinéraire ne se limite pas à la face aimable du globe : l’insécurité, la pauvreté, la sous-alimentation sont visitées. C’est l’occasion à chaque fois de rappeler la bonne volonté de la Suisse, même la Fondation suisse solidaire est un objectif réaffirmé. Tout cela sans perdre de vue nos intérêts nationaux, bien
sûr ; le secret bancaire, une fois de plus, est décrété, avec une lourdeur butée, non négociable.
Ce parcours du monde est didactique aussi. Il tend à démontrer que les situations sont si diverses et nombreuses que le bilatéralisme s’épuiserait à vouloir apporter réponse à chacune. Or le multilatéralisme à l’échelle du monde renvoie à l’ONU. L’adhésion de la Suisse sera prochainement proposée par le Conseil fédéral. Il est long le chemin…
Au chapitre du multilatéralisme, le plus attendu était celui consacré à l’Union européenne. Le Conseil fédéral, une fois dévidé l’argumentaire bien connu, affirme deux choses :
¥ les négociations « ne pourront probablement pas être ouvertes au cours de la législature actuelle » ;
¥ « une préparation soigneuse sur le plan de la politique intérieure doit permettre au Conseil fédéral de prendre une décision sur l’ouverture de négociations d’adhésion à l’UE au plus tard au cours de la prochaine législature ».
Pour la législature actuelle, le Conseil fédéral agit dans le cadre de sa compétence. Les arguments qu’il avance pour justifier son atermoiement sont de son choix. Mais avec quelle légitimité peut-il engager la prochaine législature ? Trois ou quatre conseillers fédéraux du collège actuel ne seront plus en fonction. Le nouveau Parlement qui élira le Conseil fédéral (selon quelle formule ?) sera lui-même renouvelé. Sur quelle base démocratique le Conseil fédéral peut-il avec crédibilité engager le futur Conseil fédéral ? L’échéancier n’a d’autre valeur que celle d’une prévision.
Pas inutile pourtant cet engagement. Les prochaines élections nationales seront, à cause de cette promesse, dominées toutes entières par la question européenne. Les parlementaires seront tenus de répondre à cette question simple : éliront-ils un Conseil fédéral capable, majoritairement ou même unanimement, de tenir l’engagement que l’actuel gouvernement a pris ?
Le renvoi de décision à la prochaine législature a donc d’ores et déjà ouvert, avec deux ans d’avance, la bataille électorale. Elle aura un enjeu. AG
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