La politique a ses parois nord. A l’échelle des varappeurs, la gestion des budgets de la santé aurait la note de difficulté extrême. il faut à la fois planifier et laisser jouer la concurrence ; il faut équitablement répartir la charge. Et Dieu sait qu’en Suisse on est loin du compte.
Le Parlement a voulu s’exercer à la maîtrise des coûts. Il a demandé au Conseil fédéral, donc à Ruth Dreifuss à qui l’on fait porter, à tort, ce chapeau, de présenter deux propositions : l’une de soumettre l’installation de nouveaux médecins à une clause du besoin, pouvant aller jusqu’à imposer un délai d’attente de trois ans ; l’autre, de libérer les caisses de l’obligation de contracter. C’est de la médecine de rebouteux.
L’interdiction de pratiquer choque d’abord par son iniquité, comme un Berufsverbot. La majorité des Universités a introduit un numerus clausus pour les études de médecine, les autres pratiquent des examens ultra-sélectifs. Les études sont coûteuses pour la collectivité, lourdes en investissement humain pour les étudiantes et les étudiants. Est-ce à trente ans qu’il faut bloquer leur vie professionnelle ? Des mesures directes ou incitatives permettraient de mieux réguler l’offre de soins. Les assistants en médecine hospitalière doivent lutter pour ne pas travailler plus de soixante heures par semaine ou disposer d’un week-end complet par mois ! Le Tiers-Monde manque de médecins : des garanties de revenus ou des réinsertions au retour pourraient encourager les vocations humanitaires. De toutes les solutions, la clause du besoin est la plus simpliste.
Quant à la suppression de l’obligation de contracter, elle touche à un principe fondamental, celui du libre choix du médecin par le patient. Qu’il y ait, dans la profession, des médicastres soucieux avant tout de leur chiffre d’affaires, c’est attesté. Ils sont repérables. Et il faut se donner les moyens de les sanctionner efficacement. Mais cette compétence ne peut pas être laissée à la seule appréciation des caisses. Elle doit être le fait d’une instance impartiale, à laquelle les médecins doivent être associés, si la corporation veut bien se libérer de la solidarité corporatiste dont elle est coutumière.
Le libre choix du médecin et l’obligation de contracter sont les deux faces d’un même impératif, celui d’un accès égal aux soins. Ce principe était la base de l’accord qui a rendu possible l’assurance maladie obligatoire. Pas question de le remettre en cause.
Les deux propositions parlementaires ne sont pas acceptables. Que le Conseil fédéral le dise clairement. En revanche des contre-propositions, pas toutes nécessairement législatives, sont possibles. AG
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