Le programme de coordination entre les Universités de Genève et de Lausanne et l’EPFL est un grand projet, ambitieux, dynamique. Il mérite d’être soutenu sans équivoque, mais pas au point d’abandonner tout regard critique.
On n’en fera pas ici une description exhaustive, qu’on se reporte au dossier de cet édito pour des références plus précises. Mais sommairement l’on peut dire qu’il comporte une nouvelle répartition géographique des tâches. Lausanne se conçoit comme un seul site ; d’où le transfert de la chimie, de la physique et des mathématiques à l’EPFL ; Genève se renforce pour être partenaire du pôle lausannois ; elle reprend donc la pharmacie et s’apprête à construire un nouveau bâtiment, Sciences III. Cette répartition des rôles s’accompagne du choix d’axes prioritaires, de recherche notamment : la génomique pour les sciences avec un contrepoids en sciences humaines, baptisé IRIS et qui se subdivise en projets prétentieux. L’idée générale est que la science ne se développe pas en vase clos, mais qu’elle agit sur la société, lui créant des problèmes nouveaux, juridiques, économiques, éthiques.
La question concrète se pose notamment à l’Université de Lausanne (UNIL). En se dessaisissant de facultés coûteuses, elle réalisera une économie de 33 millions. Mais elle sera soumise à l’obligation de maintenir son budget au niveau antérieur. Pour en faire quoi ? Elle aura évidemment à assumer sa part accrue en biologie et en recherche en liaison avec son hôpital universitaire. Mais pour le reste ? On peut en sciences humaines, pour apporter une contribution interdisciplinaire, étudier les problèmes des brevets sur le vivant, réfléchir sur ce que signifie démographiquement et humainement le recul des limites du vieillissement ou réétudier le mythe de Faust ou de Prométhée.
Mais la vraie critique de la science sera peut-être un projet ou plus simplement encore un enseignement qui n’aura aucun rapport avec la génomique et ses implications. L’histoire de l’esprit est faite de rupture, de refus. Il y a le courant et le contre-courant, la vie dans le monde et hors du monde, les séculiers et les réguliers.
On s’étonne donc que l’Université, une fois la part faite à la génomique et à ce qui en sciences humaines doit l’accompagner sobrement, ne se réserve pas une part de liberté créatrice hors courant dominant, hors pôle prioritaire, hors néo-scientisme. Ce serait l’occasion de donner un sens neuf à la liberté dite académique qu’on sort une fois l’an pour en orner les discours du Dies academicus. AG
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