Le peuple peut-il être véritablement associé au travail législatif du Parlement ? Par le référendum il dispose d’un pouvoir de contrôle : il dit oui ou non. C’est sommaire. Ne pourrait-il pas dire oui, tout en corrigeant, en retouchant un détail ? Pourquoi, si 50 000 citoyens le demandent, ne serait-il pas autorisé à reprendre une proposition de la minorité du Parlement et à arbitrer autrement que la majorité qui obéit souvent à des automatismes politiques ? Ce nouvel instrument de la démocratie directe serait le référendum constructif. C’est une fausse bonne idée.
Bonne, parce qu’il est vrai que l’opposition à une nouvelle loi se focalise sur quelques points essentiels : travail du dimanche pour la loi sur le travail, augmentation de l’âge de la retraite des femmes pour la 10e révision de l’AVS, etc. Or les opposants ne contestent pas le reste des dispositifs ; ils aimeraient même consolider les conquêtes pour eux précieuses, par exemple le bonus éducatif accordé aux femmes. Le référendum constructif serait donc le moyen simple de jeter l’eau du bain et d’emmailloter le bébé.
Idée fausse pourtant. Admettons que le peuple sera parfaitement capable de comprendre les enjeux, même si la technique législative est compliquée ; il l’a prouvé déjà. Pourtant la pratique du vote, avec ses choix principaux et subsidiaires, sera poussée à la limite de la sophistication. Reconnaissons aussi que la menace du référendum classique, qui pousse les partis à des concessions réciproques, n’est plus toujours aussi opérante ; le Parlement a souvent durci les textes du Conseil fédéral.
Mais, et c’est fondamental, la démocratie semi-directe implique que le Parlement en permanence sous contrôle puisse prendre pleinement ses responsabilités. Puis il est approuvé ou sanctionné. La séparation des rôles est claire. L’intrusion du peuple dans le travail législatif lui-même aboutirait à un démaillage des lois, à une confusion des pouvoirs, à un hybride du référendum et de l’initiative. Oui, le référendum est sommaire ; il l’est comme sont sommaires les murs qui sont d’aplomb et les angles qui sont droits. Peut-être, en architecture, l’on peut rêver de construire autrement, de déconstruire. Encore qu’il s’agit, comme chez Gheri, plus d’un habillage baroque que d’une déconstruction fondamentale. Mais en démocratie, qui n’est pas l’œuvre d’un seul artiste, mieux vaut en rester au fil à plomb. AG
Voir aussi Andreas Auer, « Un instrument ambigu » in Domaine Public 1242 (25 janvier 1996).
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