Rappel de quelques faits bancaires récents, à mettre en regard des leçons volontiers données par les grands banquiers.
Le style des grands banquiers est unique quand ils participent au débat public et qu’ils nous donnent leurs leçons d’instruction civique. Ces caractéristiques sont l’assurance (s’ils en manquaient, ils ne seraient pas numéro un de leur établissement) et surtout l’absence de mémoire de leurs propres erreurs ; en conséquence, ni l’humilité intellectuelle ni l’autocritique ne peuvent les effleurer.
Il y a vingt ans, le Crédit suisse était compromis par les engagements gigantesques de sa filiale de Chiasso. Le directeur de l’agence de Chiasso avait réussi à créer une société, domiciliée au Liechtenstein, qui, avec l’argent du Crédit suisse ou sa caution, achetait dans la péninsule un tout-venant industriel, agricole, touristique. Comme plusieurs de ces placements étaient des canards qui boitaient bas et que le taux de change lires-francs suisses les dépréciait régulièrement, la catastrophe était inévitable, retardée par une longue fuite en avant. Ce scandale ébranla toute la place financière suisse au point que la Banque nationale suisse dut annoncer pour rassurer (d’autres y virent un motif d’inquiétude) qu’elle mettait à disposition du Crédit suisse des disponibilités de l’ordre de trois milliards. Les réserves et les profits de la Banque nationale appartiennent aux collectivités suisses, cantons et Confédération. Quand on s’est mis, dans un passé récent, en situation d’y faire appel, il serait décent de s’en souvenir avant de faire l’éloge tous azimuts des privatisations. Non seulement l’enquête révéla les défaillances du contrôle interne, mais aussi que la banque participait de manière active aux violations du contrôle des changes italien. Les résultats de la filiale de Chiasso rendaient la chose évidente. Zurich le savait et s’en félicitait.
Amnésie sélective
Ce dédoublement bancaire de la personnalité, Hubert Reymond en avait donné un exemple pathétique et pathologique en signant dans le quotidien 24 Heures un billet, que rappelait Yvette Jaggi dans Domaine Public,
no 1410, où il expliquait, alors que la déconfiture de sa banque était accomplie, que le service public aurait beaucoup à apprendre de la gestion privée.
Et la désastreuse affaire des fonds en déshérence, où la responsabilité des banques est largement engagée, elles qui ont appliqué de manière superficielle l’Arrêté fédéral de 1962 et qui ont compromis l’honneur national, est assez présente.
Mais restons sur le terrain de la gestion. La bulle spéculative immobilière a coûté aux banques quelque cinquante milliards en amortissements de créances douteuses et en provisions. Sur le total, quarante milliards sont attribués aux grandes banques. Flamber une telle somme par une gestion imprudente, privilégiant la concurrence et le gonflement du chiffre d’affaires, c’est un record qui n’est pas à la portée des collectivités publiques soumises au contrôle démocratique. Mais à qui donc les flambeurs de milliards ont-ils rendu des comptes? ag
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