La Suisse est le pays au monde qui dépense le plus, par tête d’habitant, pour sa défense nationale. Les chiffres ne sont pas produits par des partisans d’une Suisse sans armée ou des socialistes soucieux d’apporter, si l’on ose cette image, de la munition à leur initiative proposant de réduire de moitié le budget militaire. Ils émanent d’experts mandatés par l’état-major général du Département de la défense. Ils se sont réunis en novembre à Berne pour confronter leurs résultats (NZZ, 18 novembre 1999)
Les experts n’ont pris en compte que les dépenses strictement militaires. Ils ont donc éliminé les dépenses liées à une protection globale de la population comme la protection civile, les réserves alimentaires, certains soutiens à l’agriculture. Avec une dépense de 700 francs par habitant, la Suisse se classe clairement dans le trio de tête juste derrière la Norvège et la France. Une réduction de moitié nous situerait encore au-dessus de l’Espagne, du Portugal et de la Tchéquie (200 francs par habitant), à hauteur approximative de l’Autriche, de l’Italie, de la Finlande et de la Belgique. Pas loin de l’Allemagne (un peu plus de 400 francs par habitant).
Mais l’intérêt de l’expertise est de révéler l’importance des dépenses non comptabilisées, liées notamment au système de milice. Certes il s’agit d’évaluation approximative: quelle perte économique chiffrable représente le fait que celui qui est astreint à un service est soustrait à la production ou qu’il n’a pas encore la disponibilité de s’astreindre à une formation civile de perfectionnement professionnel ? Quel est le coût de l’occupation du sol par l’armée (5,6% de l’ensemble du territoire) ?
Même si l’on a affaire à des estimations, elles sont éloquentes. La Suisse double les sommes portées au budget et, avec 1400 francs par habitant, bat tous les records européens. En gros plus le système de milice est développé en faisant appel à des classes insérées en raison de leur âge dans la vie économique, plus le coût invisible est élevé.
Ces chiffres des records suisses pourront être utilisés dans plusieurs directions. A droite pour démontrer que la professionnalisation de certains secteurs est moins coûteuse qu’on ne le croit, ou bien encore pour pousser à la privatisation de certains services, tel l’entretien des véhicules. A gauche, très légitimement, pour justifier une réduction plus drastique des dépenses et une réforme fondamentale, prévue pour 2001. ag
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