Parfois, à propos d’une discussion, d’un débat, d’un essai, d’une création, nous disions, lorsque nous étions satisfaits de sa qualité, de son niveau : c’est présentable. Ce terme en retrait signifiait que nous n’avions pas eu l’ambition d’imiter ou de singer ce qui se fait dans les auditoriums ou sur les scènes de prestige, mais que, tout bien pesé, ce que nous avions fait soutenait la comparaison avec ce qui se fait « là-bas », dans les capitales. Cette présentabilité était le contraire du parisianisme.
J’ai ressenti très fort cette qualité-là comme spectateur de L’ami riche, monté par Mentha au théâtre Kléber-Méleau. Le sujet est comme une réinvention du mythe de Midas, les doigts du riche qui transforment tout en or ne lui permettent plus une jouissance directe des choses. Il vit dès lors des relations qui, au lieu d’être directes, sont indirectes et sado-masochistes, faites des humiliations qu’il inflige aux solliciteurs et des « vérités » qu’il accepte qu’on lui inflige, dans un jeu où ce riche ne triomphe pas de l’ennui profond. La pièce est baroque, faite de mélanges de tons, de psychologie, de diatribes lyriques, de charge comique, de gestes symboles. L’interprétation, quoiqu’inégale, est de très grande qualité. L’auteur, Mathias Zschokke, est un Bernois, qui vit et travaille à Berlin. La traduction remarquable est, hélas ! une des dernières œuvres de Gilbert Musy à qui la mort n’a pas permis d’être présent à la première. Philippe Mentha et les siens font du drame une création. Les dons réunis de Zschokke, Musy, Mentha et de toutes celles et tous ceux qui l’accompagnent, acteurs, décorateurs, etc., font vivre à Malley quelque chose qui soutient la comparaison avec ce qui « se fait » en des lieux à plus grands feux de rampe. Présentable. ag
L’ami riche, Théâtre Kléber-Méleau,
ch. de l’Usine à Gaz à Renens, jusqu’au 21 novembre (rens. 021/625.84.29).
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