La charge fiscale des sociétés est si disparate qu’elle apparaît contraire
à la loyauté confédérale. Il faut y remédier. La nouvelle péréquation
à l’étude ambitionne de mieux répartir les ressources entre cantons. Mais elle laissera subsister la concurrence fiscale.
Régulièrement l’administration fédérale des contributions publie le tableau de la charge fiscale dans les cantons suisses. Le palmarès varie peu. Mais il faut s’arrêter une fois de plus aux personnes morales. Elles sont évidemment plus mobiles que les personnes physiques, surtout si elles ne sont pas liées à une production ayant, dans une aire définie, ses ressources en main-d’œuvre ou en énergie. D’où la concurrence acharnée, voire déloyale que se font les cantons entre eux.
Quelques constats
L’écart est extrêmement fort entre le plus cher (Neuchâtel) et le plus avantageux (Zoug). Pour un indice de 100, correspondant à la moyenne suisse, on va de 145,8 à 58,3. Neuchâtel est 2,5 fois plus cher que Zoug. Quelles que soient les performances de la promotion économique neuchâteloise, l’obstacle est de taille.
Les cantons les plus favorables regroupent de manière étonnante les cantons de la Suisse centrale, à savoir Zoug, Nidwald, Schwytz, Appenzell RI, Obwald et Lucerne. Comment ne pas faire une corrélation entre l’esprit isolationniste de ces cantons et leur ouverture intéressée aux sociétés suisses et étrangères ?
La concurrence fiscale est actuellement encouragée par la ristourne de l’impôt fédéral direct, dont 30 % reviennent aux cantons, 17 %, directement selon le rendement des personnes morales domiciliées sur leur territoire, 13 % selon une clé de péréquation. Un canton qui joue la concurrence fiscale peut être gagnant : il touche la ristourne fédérale, donc une recette garantie. La concurrence est deux fois payante : une première fois par les flux économiques générés par l’entreprise domiciliée ; une deuxième fois, par la part à l’impôt fédéral direct.
La nouvelle péréquation laisse subsister le défaut
Dans le projet ambitieux de nouvelle péréquation, la force financière des cantons sera estimée d’après leurs ressources potentielles. Celui qui ne les exploite pas sera donc pénalisé. Mais ce n’est pas le remède à la situation décrite plus haut, car le principe d’une ristourne de 15 % sera garanti aux cantons. La concurrence restera donc payante.
La correction devrait emprunter d’autres voies. La ristourne de 15 % faite aux cantons serait répartie selon des critères qui en fassent, en elle-même, directement et de manière forte, un outil de péréquation. Le projet de nouvelle péréquation veut l’éviter en imaginant une compensation plus globale ; la proposition est intéressante, mais elle ne corrige pas la concurrence fiscale que facilite la ristourne fédérale.
Ë cela de toute évidence, deux raisons. Le 15 % de ristourne garanti est le moyen d’obtenir l’accord des cantons déjà bénéficiaires du système. Le deuxième motif est idéologique : la concurrence intercantonale à la baisse est un moyen sûr d’exercer une pression naturelle sur le fisc. La droite a toutes les raisons de vouloir la maintenir. Pourtant la véritable concurrence économique voudrait qu’à conditions égales le meilleur gagne, mais ce principe ne tient pas devant celui, suprême : plus de profit ! ag
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