La politique internationale échapperait à notre emprise de petit pays neutre et douillet. Réflexe devant les malheurs d’autrui : qu’y peut-on ? Mais quand des Kurdes occupent les bureaux du parti radical suisse, à Berne même, quand Kosovars ou Bosniaques passent la frontière au Tessin pour être, requérants ou réfugiés, encasernés un peu partout en Suisse, il faut bien admettre que les affaires du monde nous concernent aussi.
L’Europe vit les derniers soubresauts du Traité de Versailles, qui se voulait généreux comme les quatorze points du président Wilson, tout en imposant férocement la loi des vainqueurs, tout en dépeçant les empires russe, austro-hongrois et turc. La générosité de l’émancipation des minorités nationales cachait mal le cynisme de la Real Politik et la légèreté des traceurs de frontières. Mais ces frontières-là, après les ripages décidés à Postdam après la Seconde Guerre mondiale sont devenues intangibles (même en Afrique où elles furent parfois dessinées par les coloniaux, à la règle, sur des cartes à grande échelle). L’implosion de l’URSS et de la Yougoslavie ne contredit pas ce constat. L’admission des États au sein des Nations Unies peut être perçue comme une garantie de cette intangibilité.
Dès lors, il appartient à la communauté des Nations, qui fige, dans un souci de paix, les frontières reconnues, de faciliter et d’accompagner l’autodétermination des minorités. D’abord en exigeant et en garantissant la liberté d’expression pour les porte-parole des mouvements autonomistes. La contrepartie de cet appui devrait être l’engagement des minoritaires de ne recourir qu’à des méthodes non violentes et d’adhérer aux valeurs de tolérance. Et lorsque les mouvements autonomistes peuvent faire valoir une histoire, une culture, une langue commune, la communauté internationale devrait être légitimée dans son ingérence et ses propositions d’arbitrage.
Ces principes ne seraient que de bons principes s’ils n’étaient portés par une puissance politique forte et attractive. L’Union européenne pourrait tenir ce rôle. Elle est née, créant une Communauté comme un anti-Versailles ; elle devrait être capable de réussir l’ouverture aux pays de l’Est ; elle est en mesure de créer à la fois un droit et une jurisprudence qui soient une garantie réelle pour les minorités ; il est dans sa vocation de favoriser des politiques régionales qui consolident les statuts d’autonomie. La pacification des Balkans est un de ces défis.
Et la Suisse, dans cet enjeu ? Elle a une expérience historique du respect des minorités. Elle est située en Europe, les Kosovars qui frappent à sa frontière le lui rappellent. Mais elle n’est pas membre de l’UE. Pourtant notre « insularité alpine » n’offre plus d’alibi politique. AG
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