L’initiative lancée en 1992 par la Société suisse des propriétaires fonciers sera soumise au peuple le 7 février. Elle coûtera aux cantons et à la Confédération quelque deux milliards, au profit d’une minorité déjà bien lotie. Mais au lieu d’un rejet de bon sens, « quand l’État est dans la disette il ne fait pas de cadeaux superflus », on assiste à une indécente exhibition de lâcheté préélectorale.
Les intérêts de classe ou de corporation ne s’avouent jamais comme tels, ils s’habillent d’un manteau idéologique. Ainsi, des propriétaires déjà dans leurs meubles. Ils seraient si contents de leur sort qu’ils voudraient que tous partagent leur bonheur ! Propriété du logement pour tous, disent-ils. Mais quand on analyse leurs propositions, on observe que le gros des allégements fiscaux proposés ira à ceux qui sont déjà propriétaires. La générosité commence par soi-même.
Et revoilà la valeur locative
Les Suisses ne sont pas un peuple de propriétaires. 31 % possèdent leur propre logement. C’est peu en comparaison internationale. L’initiative propose que l’épargne destinée à l’acquisition d’un logement soit déductible du revenu, que l’on puisse utiliser à des conditions les plus favorables les fonds du 2e et 3e pilier (ce qui, depuis le lancement de l’initiative, a été réalisé). Mais la grosse artillerie porte sur la valeur locative : réduite pendant les dix premières années, abaissée pour tous et bloquée au niveau de l’acquisition du logement.
On rappelle que la valeur locative correspond au loyer qu’il aurait fallu payer pour obtenir un avantage équivalant à la jouissance de sa propriété. Elle correspond au principe de l’égalité de traitement. Pour le locataire, le loyer qu’il acquitte n’est pas déductible de son revenu imposable.
Le propriétaire jouit en revanche d’un double avantage. Il peut déduire les intérêts passifs dus pour son emprunt hypothécaire et aussi tous les frais d’entretien. Il en résulte qu’une majorité annonce au fisc un loyer négatif : les déductions autorisées sont supérieures à la valeur locative imposable. C’est notamment le cas pour les nouveaux propriétaires dont les emprunts, avant les premiers amortissements, sont élevés. De fait, le système actuel favorise déjà l’accès à la propriété. Faut-il en rajouter encore ?
La démonstration a été faite dans plusieurs cantons que ce sujet est électoralement porteur. Or l’initiative tombe en période préélectorale. L’UDC n’a pas hésité à la soutenir, malgré une défense très résignée du conseiller fédéral Ogi. La tête du Parti radical résiste, mais des troupes de parlementaires la débordent. Une partie du PDC bascule.
Indécence
Le programme Villiger d’économies et la situation difficile des cantons, oubliés ! Les engagements de la Table ronde, pas concernés ! Mais ces désinvoltes oublient que le dispositif constitutionnel adopté par le peuple n’est pas une disposition transitoire limitée à 2001, il prévoit en permanence une réduction des dépenses dès que le déficit excède 2 % des recettes. L’initiative entraînera un déficit accru en même temps que la barre de référence (2 % des recettes) sera abaissée. En conséquence les dépenses sociales ou agricoles ou de transport devront être réduites d’autant.
Or les économies telles que conduites par la droite impliquent des sacrifices pour des gens souvent très modestes. Ils deviennent insupportables quand parallèlement on sert sur un plateau deux milliards (Confédération et cantons) à une catégorie de contribuables qui, merci pour eux, se porte bien. ag
Egalité de traitement
Le principe supérieur du droit fiscal est et doit être l’égalité de traitement. Or le législateur est constamment tenté d’utiliser la fiscalité pour des buts de promotion ou d’encouragement qui peuvent entrer en contradiction avec l’égalité.
Cette manière d’agir est d’autant plus perfide qu’elle est invisible. La « subvention fiscale » entraîne une diminution de recettes non identifiées.
Les allégements qui contredisent l’égalité de traitement devraient être remboursés au fisc par le département responsable de cette promotion. Cette opération comptable aurait l’avantage de faire apparaître clairement l’effort de l’État. à quand la rubrique : subvention aux propriétaires !
Et si l’envie vous prend de passer de l’autre côté de l’écran, DP est ouvert aux nouvelles collaborations: prenez contact!