
«Stop à l’huile palme !» Le référendum contre l’accord de libre-échange avec l’Indonésie, soumis au suffrage populaire le 7 mars prochain, promet beaucoup plus qu’il ne peut tenir.
L’huile de palme fait débat. Bon marché et de goût neutre, elle se retrouve dans la plupart des produits de l’industrie agro-alimentaire. Pourtant, elle est déconseillée par les nutritionnistes et les cardiologues à cause de sa forte proportion en acides gras saturés. Par ailleurs, sa culture extensive se fait au détriment des populations et des forêts tropicales qui les abritent. En Suisse, elle est vue d’un mauvais œil par les producteurs d’oléagineux (colza, tournesol) qui craignent sa concurrence.
Le débat s’est enflammé à l’occasion des négociations sur un traité commercial entre l’Association européenne de libre-échange (AELE), dont fait partie la Suisse, et l’Indonésie. Deux cantons – Genève et Thurgovie – ont demandé que l’huile de palme soit exclue de cet accord et le parlement fédéral a rejeté de justesse une motion dans ce sens.
Mais l’Union suisse des paysans et une coalition d’ONG ont obtenu des garanties substantielles. L’huile de palme n’obéira pas aux règles du libre-échange puisque des droits de douane continueront de frapper son importation. Ils seront réduits pour la seule production répondant aux critères de durabilité environnementale et de conditions de travail.
Or contingentement…
En outre, l’accord prévoit un contingentement et la possibilité pour la Suisse de réduire le volume des importations au cas où ces dernières provoqueraient une baisse de la production d’oléagineux helvétiques.
Cet accord reste loin d’être parfait. Ainsi la certification des critères de durabilité ne relève pas d’une instance indépendante. Et le non-respect de ces critères n’est pas soumis à la procédure d’arbitrage et aux sanctions prévues par l’accord pour tous les autres types de produits.
Seuls les importateurs suisses se verraient sanctionnés dans ce cas, ce qui constitue une innovation de taille dans nos relations commerciales. Par ailleurs, le label de qualité RSPO, pourtant récemment amélioré, reste encore en-deçà des conditions optimales d’une production durable.
Comparant les avantages et les faiblesses de cet accord, des organisations telles que la Fédération romande des consommateurs et Public Eye ont renoncé à prendre position. La gauche socialiste appuie l’accord tout en étant consciente de ses insuffisances: pour la première fois, la Suisse signe un traité de libre-échange incluant des dispositions environnementales et sociales; il s’agit d’un premier pas qui ouvre la porte à des développements et permet un regard critique sur la politique commerciale helvétique. Les futurs accords avec la Malaisie et le Mercosur ne pourront plus faire l’économie de telles dispositions.
… et un pas quand même
Dès lors, les référendaires ne se trompent-ils pas de cible ? Le rejet de cet accord ne freinerait en rien les importations en provenance d’Indonésie, des importations par ailleurs marginales (à peine 1%) par rapport au volume total d’huile de palme acheté par la Suisse et contingentées. Par contre, l’absence d’accord continuerait de favoriser la production d’une huile de moins bonne qualité et ne contribuerait pas à l’amélioration du label RSPO et de son contrôle.
Les opposants négligent de prendre en compte les conséquences d’un échec du projet qu’ils attaquent. Ils préfèrent affirmer leurs convictions en faisant abstraction des situations concrètes dans lesquelles elles devraient s’incarner. Au final, cette position sacrifie la possibilité d’avancées partielles au profit d’une idéalisme en réalité stérile.
À propos de petits pas dont le nombre peut faire la différence: grâce à l’Ordonnance sur les denrées alimentaires, les consommateurs ont la possibilité de détecter les produits contenant de l’huile de palme et donc d’y renoncer. Une manière d’agir que des campagnes d’information dans le cadre de la politique de santé publique pourraient encourager.
Et si l’envie vous prend de passer de l’autre côté de l’écran, DP est ouvert aux nouvelles collaborations: prenez contact!