
En Suisse, deux à trois personnes se suicident chaque jour (en dehors du suicide assisté). Deux à trois décès, c’est peut-être moins «choquant» que le nombre de cas testés positifs au Covid-19 ou de ceux qui en meurent. Pour autant, les tendances suicidaires augmentent, et particulièrement chez les adolescents et les seniors.
Les statistiques officielles relatives à la cause des décès en Suisse ne révèlent pas d’augmentation des taux de suicide due au coronavirus. Pourtant, l’Office fédéral de la santé publique reste vigilant et des mesures ont été prises par différents acteurs publics. Pour leur part, des organisations telles que La main tendue et Stop suicide craignent une accentuation du phénomène due à la situation sanitaire et à ses conséquences – distanciation sociale et crise économique.
Facteurs de risque
Perte d’emploi, précarité, impression de difficulté d’accès aux soins, isolement, indifférence de l’entourage… autant de contrecoups de la pandémie. Le confinement, ou plutôt semi-confinement en Suisse, a beaucoup pesé sur la santé psychologique individuelle.
Dans les médias et dans le discours politique, ce sont surtout les aspects économiques qui dominent. La santé psychique serait-elle taboue ? En tout cas, la fragilité reste un sujet en retrait au sein de sociétés où les modèles de réussite sont principalement considérés. Dans l’imaginaire collectif individualiste, son aspect fatal, le suicide, est associé à l’échec.
Or les pensées négatives, tout comme le virus, peuvent, à divers degrés, toucher n’importe quel profil sociologique. Cependant, le confinement affecte particulièrement les plus de 65 ans et les jeunes.
En avril dernier, lors de la première vague, Roland Grunder, coprésident du Conseil suisse des aînés, expliquait que la détresse mentale accrue chez les seniors résultait du sentiment d’être extraits de la société. Aussi, la fermeture des structures d’accueil a-t-elle accentué ce sentiment.
Parallèlement, les professionnels de la santé s’inquiètent de l’augmentation des situations de crise chez les enfants et les adolescents. Des parents à bout, la perte de contact physique avec les amis et les camarades ou le lien difficilement maintenu avec les enseignants constituent des facteurs déstabilisants pour les jeunes. Alain di Gallo, directeur de la clinique pour enfants et adolescents de Bâle, est d’ailleurs intervenu à plusieurs reprises pour souligner qu’il «n’avait jamais vu une telle augmentation des demandes de traitements stationnaires et ambulatoires».
Symptômes «normaux»
Dans ce contexte incertain qu’on ne cesse de qualifier d’«anxiogène», les chiffres ne sont pas forcément parlants, car mal-être ou idées noires, sont difficilement quantifiables et qualifiables. Toujours est-il que les Hôpitaux universitaires de Genève ont lancé début novembre une campagne de prévention: «Où que tu sois, on entend ton appel».
Et, que ce soit par l’intermédiaire d’institutions publiques ou d’associations comme La main tendue, Stop suicide, Pro Juventute, la Caravane de solidarité, le Mouvement Scout de Suisse ou les infirmiers et intervenants à domicile, un important travail préventif et de soutien est réalisé. Par ailleurs, individuellement, d’innombrables personnes qui partagent les mêmes préoccupations agissent auprès de leur voisinage.
Détresse psychique et anxiété ne sont ni honteuses ni manifestations d’échec, mais des symptômes «normaux» dans une situation extraordinaire.
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