
À la veille de son déménagement à Plateforme 10, au sein du nouvel ensemble muséal de Lausanne, l’exposition du Musée de l’Élysée fait le point sur les créations émergentes internationales. Quelles sont les interrogations et préoccupations des photographes d’aujourd’hui?
L’institution a fait appel à 180 créateurs et créatrices ayant participé aux trois expositions reGeneration de 2005, 2010 et 2015. Pour reGeneration 4, trente-cinq photographes ont été retenus, dont dix-huit femmes et dix-sept hommes. Parité donc garantie!
La visite de l’exposition prouve bien que la photographie reflète les problèmes de la société contemporaine. Elle témoigne d’engagements politiques, écologiques et éthiques. On ne s’attendra donc pas trop à y trouver de la «belle photo» de caractère prioritairement esthétique.
Esquissons un parcours, certes subjectif, des œuvres qui nous ont le plus interpellés. Karolina Wojtas se moque des contraintes de l’école polonaise. L’affiche de l’exposition montre d’ailleurs l’une de ses photos, où l’on voit une main droite à laquelle on a attaché un stylo: la bonne vieille méthode pour «corriger» les gauchers!
Léonie Marion (Suisse) s’engage, quant à elle, dans la question jurassienne, laquelle a notamment généré la floraison de drapeaux à la crosse rouge, peints sur des rochers peu accessibles. Abd Doumany (Syrie) s’est penché sur les horreurs et les destructions subies par son pays ravagé par la guerre. Youkine Lefèvre a été adoptée, enfant, par un couple belge. Elle est retournée en Chine pour y retrouver ses racines et comprendre la raison de son abandon par ses parents, qui se résume à la pauvreté. La Britannique Nathaniel White, dans «Routes», a réalisé un travail documentaire sur le drame des migrants, en montrant notamment les cimetières accueillant leurs dépouilles et qui jalonnent leur parcours.
D’autres photographes s’interrogent sur l’intelligence artificielle permettant de reconnaître des visages et de les recomposer. Il faut voir là une critique implicite du «tout numérique». L’artiste chinoise Zhibin Zhang est partie des résidus industriels, les a manipulés et réarrangés sous forme de sculptures proches des surréalistes et des «machines à Tinguely».
Rebecca Gutierrez Fickling (Espagne/Grande-Bretagne) rend sensibles les traces de toxines dans l’eau, illustrant par là le problème de la pollution. Nombreux sont d’ailleurs les photographes – mais aussi les vidéastes – qui s’impliquent dans la lutte contre la destruction de la planète. La Taïwanaise Sheng-Wen Lo montre les mouvements répétitifs des ours polaires dans les zoos, pointant les rapports entre l’être humain et l’animal.
D’autres encore remettent en question la domination masculine et le sexisme. On le voit, cette exposition – qui n’incite guère à l’optimisme – constitue un véritable catalogue des maux et nuisances qui frappent la planète et l’humanité. Elle appelle à une prise de conscience individuelle et collective.
reGeneration 4, Musée de l’Élysée, Lausanne, jusqu’au 27 septembre 2020
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