
Toujours très actives, les Editions de L’Aire ont publié, entre autres, deux recueils de textes brefs qui relèvent à la fois de la chronique, de la nouvelle, voire du conte. Si ces textes ne bouleversent ni ne renouvellent fondamentalement le paysage littéraire de la Suisse romande, ils témoignent de sensibilité et sont d’une lecture plaisante.
Catherine Dubuis a écrit de nombreux ouvrages sur la littérature romande, en s’attachant particulièrement aux auteurEs. On lui doit notamment une biographie de l’artiste Marguerite Burnat-Provins, Les Forges du Paradis. Maître d’enseignement à l’Université de Lausanne jusqu’en 2000, elle a collaboré à la revue Ecriture. Elle est bien connue des lectrices et lecteurs de DP.
Dans son récent recueil, Cristaux de songes, elle nous propose une série de petites histoires apparemment banales, comme l’est souvent la vie. Ce sont des épisodes de l’enfance, des amours adolescentes déçues, des séparations douloureuses. Tout cela est dit en mineur, sans pathos. Il s’en dégage souvent une amertume et une tristesse énoncées sans apprêt, au moyen d’une écriture simple mais musicale. L’érotisme n’en est point absent, ainsi dans les textes intitulés La Peau et La Tétée, ce dernier dédié à la peintre allemande Paula Modersohn-Becker, qui a si bien exprimé dans ses toiles la féminité et la maternité.
Le thème de l’âge est aussi présent dans le recueil, avec ce qu’il induit de dépendance physique ou de perte du désir. On sera touché par ces moments de vie où se conjuguent tendresse et lucidité face aux ratages de l’existence.
Alphonse Layaz est né en 1940 dans le canton de Fribourg. Il s’est fait connaître comme journaliste (en réalisant notamment de longues interviews), producteur sur Espace 2, auteur de pièces radiophoniques, de recueils de nouvelles et de poésie. Egalement artiste peintre, il a été présent dans plusieurs expositions. C’est lui, d’ailleurs, qui a réalisé la couverture du livre intitulé Du quartier des tanneurs à la rue des parfumeurs.
Le contenu de l’ouvrage pourra certes surprendre par son caractère un peu hétéroclite, tant par le choix des sujets que par les formes littéraires adoptées. Mais finalement, ce côté kaléidoscopique fait en partie le charme du recueil.
On y trouvera en effet des textes inspirés par ses reportages au Moyen-Orient, ainsi que le suggère le titre, des «portraits» de villes et autres lieux, comme Rome ou Châteauneuf-en-Auxois, dont il a bien su saisir l’âme. Dans la partie à laquelle il a donné le sous-titre de Croyances et superstitions, l’auteur élevé dans la tradition catholique se livre à un plaidoyer de laïc contre tous les fanatismes religieux. Le texte émouvant Le Champ des Esserts exprime le désespoir de la paysannerie, qui peut mener au suicide. Dans Wagon de troisième classe, il rappelle à celles et ceux de sa génération les souvenirs d’une autre époque, où les bancs des trains étaient encore en bois, et où les dactylos tapaient encore à la machine. On se souviendra à ce propos du bruit de cliquetis obsédant qui régnait dans les bureaux décrits par Alice Rivaz!
Le texte sans doute le plus personnel et le plus touchant est le récit de l’adoption de Cezarina à Bucarest en 1991, dans des circonstances qui auraient pu être dramatiques. Ce qui constitue finalement le dénominateur commun de ces textes très différents les uns des autres, c’est la compréhension et la compassion dont témoigne Alphonse Layaz envers les humbles, les victimes de la vie et de la société, les marginaux.
Et si l’envie vous prend de passer de l’autre côté de l’écran, DP est ouvert aux nouvelles collaborations: prenez contact!