
Domaine Public a rendu compte à plusieurs reprises de l’engagement financier de Credit Suisse au Mozambique, une saga suivie en détail par Infosperber depuis 2016. Une affaire qui n’a jusqu’à présent guère intéressé les autorités et les médias helvétiques.
En 2013, le siège londonien de Credit Suisse et une banque russe accordent un crédit de 2,07 milliards de dollars à trois sociétés semi-privées du Mozambique contrôlées par les services secrets du pays. L’essentiel de ce crédit devait permettre de créer une flotte de pêche et de garde-côtes qui, à ce jour, rouille dans les ports du pays. L’emprunt, contracté dans le plus grand secret mais pourtant garanti par l’Etat, n’a été soumis ni au Parlement ni à la Banque centrale, en violation de la Constitution et des lois du pays.
Le Fonds monétaire international (FMI), qui soutient financièrement le Mozambique, ainsi que les pays donateurs, n’en ont pas été informés. En 2016, lorsque ce contrat devient public, le FMI et les pays donateurs gèlent leur aide, ce qui met le Mozambique en cessation de paiement et le conduit à réduire drastiquement ses dépenses de santé et d’éducation.
Un rapport d’audit (juin 2017) mandaté par le Ministère public mozambicain met en évidence l’absence de justificatifs comptables pour le quart de ce crédit et plus de 700 millions de dollars de surfacturations. On soupçonne fortement cette opacité de dissimuler des achats d’armement.
En 2018, l’autorité de contrôle britannique annonce qu’elle renonce à une procédure pénale au profit d’une enquête administrative qui pourrait déboucher sur une simple amende. Quant à la Finma, le régulateur bancaire helvétique, interpellée à plusieurs reprises depuis 2016, elle se réfugie derrière le secret de l’instruction. De son côté, le Conseil fédéral renvoie à la Finma et au Bureau de communication en matière de blanchiment.
C’est un tribunal new-yorkais qui ouvre vraiment les hostilités judiciaires, arguant du fait qu’une petite partie du crédit a transité par les Etats-Unis. Neuf personnes sont inculpées, dont trois anciens cadres de Credit Suisse Londres, ainsi que l’ex-ministre des finances du Mozambique, accusées de blanchiment, de corruption, d’abus de confiance ainsi que de faux dans les titres. Et finalement la justice britannique s’est récemment saisie de l’affaire à la suite d’une plainte du Ministère public du Mozambique.
Pour sa part, Credit Suisse s’est longtemps muré dans le silence (DP 2204). La banque n’a pris position que le 3 mars dernier, déclarant n’avoir rien à voir avec cette affaire. Si elle dit vrai, alors pourquoi n’a-t-elle pas porté plainte contre ses trois anciens collaborateurs londoniens, principaux artisans de ce crédit? De toute façon, Credit Suisse a gravement manqué à son obligation de diligence, acceptant de prêter en violation des dispositions légales du pays emprunteur et sans contrôler la validité des motifs justifiant cet emprunt.
L’engagement de Credit Suisse d’agir «avec intégrité, responsabilité, équité, transparence et discrétion» ne semble pas encore pleinement opérationnel, si l’on excepte la discrétion. La banque n’a toujours pas tiré les leçons de précédentes erreurs (DP 2039). En attendant, la population du Mozambique subit durement les rigueurs budgétaires imposées par ce scandale financier.
Et si l’envie vous prend de passer de l’autre côté de l’écran, DP est ouvert aux nouvelles collaborations: prenez contact!