
Le Conseil national débat de l’initiative contre le mitage du territoire au cours de la présente session parlementaire (DP 2141). Déposée en 2016 par les Jeunes Verts, elle met en lumière la véritable cause des lacunes dans la mise en œuvre des beaux principes de la législation sur l’aménagement du territoire (LAT): le manque de fermeté et de volonté politique des cantons et des communes chargés de l’application de cette législation.
L’idée originelle consistant à attribuer de fortes compétences à la Confédération se révèle aujourd’hui pertinente. Elle a d’ailleurs fait ses preuves en matière de gestion de l’eau, de la forêt ou encore de l’environnement. Mais il a fallu 50 ans de gaspillage de sol pour en faire la démonstration.
Car à la fin des années 70, après de fortes tensions entre tenants d’une conception très individualiste du droit de propriété et partisans d’une gestion du territoire intégrant l’intérêt collectif, c’est une LAT très accommodante qui est enfin adoptée. Elle fixe au moins les règles d’attribution du sol aux différentes fonctions, agricoles, industrielles, d’habitat, d’infrastructures et de loisirs.
Des principes qui n’empêchent pas le grignotage du sol
Pourtant, le galvaudage du sol se poursuit. La réduction des zones à bâtir surdimensionnées n’est toujours pas terminée et, malgré l’objectif clairement exprimé de promouvoir l’habitat groupé (art. 1), la dispersion pavillonnaire continue de progresser. Ce dernier quart de siècle, les surfaces consacrées à l’habitat et aux infrastructures ont progressé plus rapidement que la croissance de la population. Certes, l’évolution aurait été probablement pire encore sans cette législation. Mais cette dernière n’a pas permis de concrétiser les objectifs insuffisamment contraignants qu’on lui avait assignés.
On comprend les motifs des Jeunes Verts. Leur initiative veut conditionner la création de nouvelles zones à bâtir au retour d’une superficie équivalente en zone agricole. Il s’agit donc de geler les zones à bâtir et, précise le texte de l’initiative, de promouvoir en échange la densification des zones à bâtir existantes. Une densification qui, à l’évidence, ne pourra pas se poursuivre indéfiniment.
La faiblesse de l’initiative et l’occasion manquée des autorités
Dans son Message aux Chambres, le Conseil fédéral n’a pas manqué de relever le défaut principal du texte. Le gel indifférencié des zones à bâtir procure un avantage indu aux cantons et communes disposant de surfaces surdimensionnées. Alors que les collectivités ayant fait un usage mesuré du sol, conformément aux objectifs de la LAT, verraient se restreindre leurs possibilités de développement.
Le Conseil fédéral, tout comme le Conseil des Etats, en rejetant ce texte sans contre-projet, n’a pas saisi l’occasion de proposer une stratégie plus fine tenant compte de la diversité des situations. Par exemple en liant tout classement en zone à bâtir à l’obligation d’une densité élevée d’habitat; en interdisant toute forme d’urbanisation pavillonnaire ou encore en supprimant les droits à bâtir d’une zone manifestement surdimensionnée.
La solution des initiants manque sans doute de nuance. Mais le refus d’entrer en matière des autorités également.
Le Conseil national va sans doute confirmer ce rejet. L’argument fédéraliste – le refus d’attribuer des compétences accrues à la Confédération – va une fois de plus servir de cache-sexe aux intérêts particuliers et à court terme.
La prochaine révision de la LAT programmée pour 2020 sera-t-elle l’occasion d’assurer une protection effective des terres agricoles, comme l’a par exemple décidé le peuple zurichois en 2012? Et de sortir enfin de l’ornière un fédéralisme qui a eu ses chances et ne les a pas saisies?
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