Les différents articles du dernier numéro des Nouvelles Questions Féministes soulignent deux apports des recherches féministes en littérature. D’abord la nécessité pour les textes de femmes de faire oublier le sexe de leur auteur afin d’être analysées comme des œuvres littéraires. Ensuite le besoin d’utiliser des critères d’appréciation spécifiques.
Le premier cas de figure traduit la situation classique des femmes qui tentent d’accéder à des activités longtemps réservées à des hommes. Par contre, la réflexion sur les critères de sélection des œuvres dignes de la postérité nous rend perplexe. Dans le cas des suffragettes anglaises, l’idéal universaliste du début du siècle aurait occulté l’importante contribution de ces femmes au théâtre nouveau. Les différents historiens de la littérature leur reprochent un contenu trop spécifiquement féminin, trop contextuel ou trop politique. Ces caractéristiques ne sont négatives, dans l’idéal universaliste, que si l’on estime que les problèmes rencontrés par les femmes dans la société anglaise ne sont pas transposables dans un autre contexte. Il est difficile de dire si ce sont les femmes qui sont incapables de tirer des leçons plus générales de leurs expériences vécues, ou si le simple fait d’être des expériences de femmes les rend impropre à toute généralisation.
Les universitaires spécialisées dans les «études de genre» ont été amenées à créer des «canons» esthétiques propres aux œuvres d’écrivaines au risque de renforcer l Ôidée qu’il existe un style d’écriture typiquement féminin. Alors que personne n’a jamais cherché à savoir s’il existait une écriture masculine, le genre féminin des auteurs constituerait une caractéristique marquant leurs écrits.
Finalement qu’est-ce que l’«égalité» ? Défendre le droit à être jugée et estimée «comme» les hommes, c’est-à-dire selon les mêmes critères (sachant que certains sont sexistes !) ou est-ce valoriser la contribution spécifique des femmes (sachant que cela contribue à perpétuer une distinction entre les genres) ?
Ces réflexions sont-elles des jeux de l’esprit chez des universitaires féministes ou constituent-elles un réel apport à l’étude des auteurs de sexe féminin ? Difficile à dire. On se demande ce qu’en aurait pensé Virginia Woolf, Agatha Christie ou Françoise Giroud.
«Féminisme et Littérature», Nouvelles Question Féministes, Vol. 22, n°2 / 2003,
Editions Antipodes.
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