Une Américaine de 50 ans a aujourd’hui une espérance de vie de 81 ans. Si d’un seul coup cancer, affections cardio-vasculaires et diabète venaient aujourd’hui à être vaincus par la science, l’espérance de vie de cette dame s’allongerait à 95 ans. C’est beau, mais c’est encore loin des 120 ans dépassés par Jeanne Calment. Pour atteindre cette cible, éliminer les maladies ne suffit pas ; il faut ralentir le vieillissement. La biologie cellulaire s’y attache. Sans attendre évidemment l’issue du débat sur l’âge de la retraite.
Les causes de la longévité sont certainement plurielles. Il est donc étonnant que l’on s’évertue à leur dissection moléculaire. Une première approche, évolutionniste, compare les mutants (spontanés) doués d’une très longue vie, dans des espèces aussi différentes que la levure, la mouche et la souris. Il apparaît que, dans les trois espèces, des mutations concernant les voies enzymatiques de l’utilisation du glucose et de l’insuline rallongent la durée de vie de 300% dans la levure, et de 50% dans le mutant chico de la Drosophile, de 50% encore chez la souris mutante pour un peptide semblable à l’insuline appelé IGF-1. Hélas, dans les trois espèces, la longévité est accompagnée de nanisme. Une approche complémentaire est endocrinologique. Elle tente de ralentir le vieillissement par la réduction des niveaux d’hormones, telles qu’hormones de croissance, d’insuline, d’IGF-1, et des hormones thyroïdiennes. La recherche s’est concentrée sur des mutants du ver Caenorhabditis elegans ; elle est difficile chez les mammifères. Une minorité de chercheurs parie encore qu’un nombre très restreint de gènes est responsable du vieillissement. L’un de ces gènes pourrait être SIR-2, qui se réfère à une déacétylase, un enzyme qui régule l’expression d’autres gènes. Les mutants SIR-2 de Caenorhabditis elegans vivent effectivement très longtemps. Une autre approche se concentre sur le maintien de l’intégrité du génome de chaque cellule par de nombreux enzymes réparateurs de l’ADN. Une série de maladies congénitales humaines, avec une espérance de vie d’une dizaine d’années, sont effectivement provoquées par des mutations dans ces enzymes réparateurs. Les chercheurs ont déjà créé des souris transgéniques qui vivent moins longtemps en modifiant ces enzymes ?
Il reste une dernière approche, la restriction calorique. Depuis 60 ans on sait que priver les souris de laboratoire régulièrement de nourriture augmente leur longévité de 35%, réduit tumeurs et inflammations et augmente la réponse immunitaire. La médecine de la longévité a donc aussi une solution pour les pauvres qui ne pourraient accéder aux bienfaits de la médecine moléculaire.
Cela tombe bien car la santé mentale des vieux est bien meilleure que ce que l’on croyait. S’ils ne sont pas doués pour réciter une série de nombres qu’on vient de leur présenter, ou pour programmer la vidéo, ils savent évaluer la personnalité de quelqu’un avec bien plus de précision que les jeunes ; contrairement à ceux-ci, ils enregistrent l’aspect positif des événements, et la génération des années 1920 reste imbattable en calcul mental. Finalement, beaucoup de tests ont été faits dans des conditions défavorables aux vieux, qui sont matinaux, contrairement aux chercheurs. Il suffit de faire passer les tests de mémoire à court terme le matin plutôt que l’après-midi pour que la différence entre jeunes et vieux se réduise de moitié.
Science , 28 février 2003.
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