Tout allait bien. L’influent magazine US News and World Report avait porté la John Hopkins University (JHU) à la tête du classement annuel des meilleurs centres médicaux des États-Unis. Le centre d’excellence, qui reçoit déjà 300 millions de dollars en subsides fédéraux, allait continuer à attirer les meilleurs chercheurs et les meilleurs étudiants. Quelques jours après, les fonctionnaires de l’Office of Human Research Protection (OHRP) du ministère de la santé déclaraient un arrêt immédiat et global de tous les 2200 essais cliniques en cours dans le prestigieux hôpital, impliquant près de 140 000 patients.
Cette décision est due à la mort d’un volontaire sain, dans un des essais cliniques. L’essai consistait à provoquer des crises d’asthme passagères chez des sujets sains avec une substance chimique (hexamethonium). L’hôpital a assumé la pleine responsabilité de ce décès. L’OHRP, service compétent, qui venait d’être rattaché à l’administration fédérale après avoir existé sous la gouvernance des chercheurs au sein du fonds national américain, en vérifia les circonstances. Il apparut immédiatement un grave dysfonctionnement général dans les commissions éthiques locales (les IRB, Institutional Review Boards), censées approuver chaque essai clinique. Le JHU en compte trois, formées par des volontaires (les professeurs de l’institution, essentiellement). Pour l’essai clinique ayant entraîné la mort accidentelle d’un volontaire, l’OHRP découvrit que la commission éthique n’avait pas vérifié dans la littérature scientifique (ou fait vérifier par le responsable de l’essai) les effets de l’hexamethonium, ne s’était pas inquiétée de savoir si la substance était autorisée par la FDA Ð elle ne l’était pas Ð et n’avait pas utilisé de procédure adéquate pour obtenir le consentement du patient. Comme de surcroît la quasi-totalité des procès verbaux des séances des commissions d’éthique était introuvable, l’agence suspendit en bloc tous les essais cliniques en cours. Trois jours plus tard, 500 essais, considérés sans danger, furent autorisés, mais 1700 doivent être revus, entraînant pour des membres déjà surchargés un surplus de travail dont ils n’arriveront pas à bout avant des mois.
Attention à la surcharge
Le cas est isolé et on peut partager l’opinion des chercheurs de la JHU qui considèrent avoir été globalement maltraités. Le cas est significatif d’un malaise qui s’est développé dans les commissions d’éthique qui ont bourgeonné depuis les années quatre-vingt. En Suisse aussi, existe une multiplicité de commissions locales, régionales ou nationales, variées et parfois contradictoires dans leurs autorisations. La nouvelle loi sur les agents thérapeutiques, qui ne règle que les essais cliniques impliquant des médicaments, maintient la responsabilité des commissions éthiques cantonales voire locales. En même temps on vient de créer une commission nationale sur la recherche dans le domaine humain, s’ajoutant elle-même à celle du domaine extra-humain. Il est temps de réfléchir au cadre optimal de ces commissions d’éthique et de faire très attention à la surcharge qui menace les (rares) volontaires qui en font partie. ge
Source : Science, 10 août 2001, p.1013.
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