Les états-Unis se plaisent à donner des leçons de morale au monde entier ;
ils exécutent pourtant des innocents.
Sauf événement imprévu, lorsque le Texan Joseph Faulder sera piqué le 10 décembre prochain, il sera le 500e condamné à mort à être exécuté depuis la réinstauration de la peine capitale aux États-Unis, en 1976.
Mais le condamné à mort qui reçoit l’injection, le courant, la corde ou la balle a-t-il oui ou non commis le ou les crimes pour lesquels il est éliminé ?
Ce qu’un séminaire récent de la Northwestern University Law School de Chicago démontre, c’est que, sur les cinq cents condamnés et exécutés, septante-cinq se sont révélés innocents des crimes pour lesquels ils ont payé de leur vie. Septante-cinq sur cinq cents : 15 % des exécutés, presque un sur sept, étaient des innocents, exécutés par le leader mondial de la morale.
Pourquoi ces exécutions d’innocents ? Sans excuser l’horreur, on peut évoquer quatre raisons. La pression populaire d’abord : le shérif étant un élu soumis à réélection, il doit trouver rapidement des coupables pour des crimes souvent terribles qui choquent la communauté. La couleur de la peau d’autre part : lorsqu’il y a plusieurs suspects, c’est souvent le noir qui est inculpé, quitte à cacher Ð le cas est véridique Ð les cheveux blonds incriminants. La pauvreté, ensuite : les avocats commis d’office ne gagneront, dans toute la procédure, pas plus de deux mille dollars Ð pas de quoi motiver des recherches de nouvelles preuves, opérations coûteuses et difficiles. Enfin, une clause de conscience permet aux personnes opposées à la peine de mort de s’excuser devant les jurys, ce qui crée indirectement une augmentation des peines capitales.
Un condamné à mort sur sept était innocent ; malgré cela, les sondages montrent régulièrement que plus des trois-quarts des Américains sont favorables à la peine de mort. Dans les campagnes électorales, le soutien à la peine capitale est constamment réaffirmé, qu’il provienne d’un libéral comme le nouveau gouverneur démocrate de Californie ou en 1992 du candidat Clinton qui, encore gouverneur de l’Arkansas, s’éclipsa lamentablement quelques jours pour ne pas avoir à gracier un condamné dont l’exécution coïncida avec la campagne.
Quelques espoirs néanmoins. La Virginie détient le record national de condamnations à mort par habitant. Le Virginian Pilot vient d’affirmer son opposition à la peine capitale ; il est le premier grand quotidien du Sud à le faire. Un revirement qui suit l’exécution d’une série de meurtriers qui étaient en fait des malades mentaux, mal pris en charge médicalement et qui avaient commis leurs forfaits à l’adolescence. Et l’American Bar Association demande le moratoire sur la peine de mort. Septante-cinq innocents tués par la Justice. Verrons-nous un jour les États-Unis d’Amérique rejoindre le rang des nations civilisées ? ge
The Economist, 28 novembre 1998.
Et si l’envie vous prend de passer de l’autre côté de l’écran, DP est ouvert aux nouvelles collaborations: prenez contact!