
L’exposition Vertige de la couleur (à voir jusqu’au 1er octobre 2017) présente un intérêt à la fois informatif – voire didactique – et esthétique.
La naissance de l’estampe est liée à l’invention en 1796 de la lithographie. Celle-ci repose sur le procédé de la répulsion mutuelle de l’eau et des corps gras. Comme l’explique fort bien la petite brochure mise à la disposition des visiteurs, «une lithographie en couleurs est obtenue par plusieurs passages juxtaposés ou superposés les uns aux autres». L’exposition montre d’ailleurs un certain nombre d’estampes dans leurs états successifs, ainsi que des épreuves d’essai corrigées par les artistes: «remettre du rose», «garnir en bleu léger»…
Mais au-delà de ces considérations techniques, le visiteur s’arrêtera surtout sur la valeur esthétique des œuvres présentées. La période de gloire de la lithographie est la deuxième partie du 19e siècle. Quant à l’éventail des auteurs exposés, il est très large. Odilon Redon reste fidèle au noir et blanc. Maurice Denis, le plus mystique des Nabis, exprime dans l’album Amour le bonheur familial intime de l’artiste avec sa femme Marthe, un bonheur tout empreint de tendresse et de religiosité. Henri-Edmond Gross, à l’instar de Signac, demeure un adepte du style pointilliste, comme dans ses huiles. Et tant d’autres créateurs – de Cézanne à Vallotton et de Renoir à Bonnard – dont nous ne pouvons énumérer la longue liste ici.
L’influence du japonisme (Hokusai, Hiroshige) est évidente dans le dernier quart du 19e siècle. C’est particulièrement sensible chez Henri Rivière. Ses paysages bretons annoncent par ailleurs curieusement la «ligne claire» dans les BD, notamment chez Hergé. On constate aussi que l’estampe, art mineur plus discret que la peinture, se prête bien aux scènes d’intérieur intimistes d’Edouard Vuillard.
Mais c’est dans l’affiche que la lithographie en couleurs trouve son expression – à la fois commerciale et artistique – la plus populaire. Le grand maître en est Henri de Toulouse-Lautrec, avec son célébrissime Divan japonais qui figure sur d’innombrables posters, ainsi que ses affiches pour La Goulue ou le Moulin-Rouge, cet univers montmartrois des cabarets interlopes dans lequel l’artiste se sentait si bien. L’exposition offre donc un riche panorama de l’art de l’estampe et de ses meilleures productions.
Signalons, à l’étage, le nouvel accrochage de la prestigieuse collection Kokoschka. Nouvel accrochage aussi pour la collection permanente du musée, avec une importante série de Hodler, dont de bouleversants portraits de Valentine Godé-Darel au visage émacié, peu avant son agonie.
Et si l’envie vous prend de passer de l’autre côté de l’écran, DP est ouvert aux nouvelles collaborations: prenez contact!