«America first»: la révolution fiscale annoncée par les Républicains colle parfaitement avec le cri de guerre de Donald Trump. Elle exprime en effet une politique protectionniste censée réduire le déficit commercial des Etats-Unis.
Du débat sur la réforme de la fiscalité outre-Atlantique, on a surtout retenu que le taux d’imposition des entreprises allait passer de 35 à 20%. Mais le mécanisme proposé constitue en réalité une véritable révolution. A l’avenir, la taxation des entreprises ne portera plus sur le bénéfice mais sur le cashflow, à savoir le chiffre d’affaires diminué des dépenses d’exploitation, y compris les salaires, et des dépenses d’investissement. D’où son appellation Destination-Based Cash Flow Tax (DBCFT). De par son analogie avec la TVA, on lui a collé l’étiquette de «taxe au profit ajouté» (TPA).
L’impôt ne serait prélevé que sur les ventes de produits et de services à l’intérieur des USA et ne frapperait pas les exportations. L’objectif est clairement de favoriser les investissements dans le pays ainsi que les exportations et, dans le même temps, de pénaliser les importations. De plus, l’exonération prévue des profits réalisés à l’étranger devrait inciter les multinationales américaines à rapatrier leurs bénéfices accumulés hors des Etats-Unis – quelque 2100 milliards de dollars – pour échapper au fisc américain. Si le taux d’imposition tombe à 0%, il deviendrait dès lors intéressant pour ces multinationales de quitter les pays qui leur offrent actuellement des taux très attractifs, par exemple l’Irlande.
Même si la majorité républicaine pourrait imposer cette réforme, cette dernière est encore loin d’être sous toit. Les pertes fiscales qu’elle provoquerait restent à chiffrer et les mesures de rétorsion des partenaires commerciaux des Etats-Unis à évaluer. Par ailleurs, la baisse importante de l’imposition des entreprises qu’elle provoquerait risque de ne pas provoquer les effets attendus. En effet, le système fiscal actuel permet à nombre d’entreprises de ne payer que très partiellement l’impôt qu’elles devraient théoriquement supporter: de 2007 à 2011 le taux effectif moyen de l’impôt sur la société s’est élevé à 22 % seulement.
La balance commerciale de la Suisse avec les Etats-Unis présente un excédent régulier. C’est dire que les exportateurs helvétiques doivent craindre cette réforme. Les principaux d’entre eux détiennent presque tous des unités de production sur le sol américain et pourraient y transférer leurs activités destinées à ce marché. Tel n’est pas le cas des PME qui seraient les premières lésées par cette politique protectionniste. De plus, le traitement fiscal privilégiant la valeur ajoutée sur le territoire américain risque de rendre beaucoup moins attractives les niches helvétiques précisément conçues pour capter ces bénéfices. Toutes ces incertitudes – rien n’est encore décidé outre-Atlantique – rendent d’autant plus difficile la reformulation de la réforme de la fiscalité des entreprises (RIE III).
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